L’enseignement des langues en Belgique (Fédération Wallonie-Bruxelles)
Karine Dekeukelaere est inspectrice de Langues modernes au sein de l’Administration générale de l'Enseignement du ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle est membre du comité de direction du CELV et autorité nationale de nomination pour la Belgique.
Trois langues nationales - le néerlandais, le français et l'allemand - coexistent en Belgique. Le pays comprend quatre régions linguistiques : la Communauté de langue française (Fédération Wallonie-Bruxelles), la Communauté de langue néerlandaise (Vlaamse Gemeenschap), la Région bilingue (français/néerlandais) de Bruxelles-Capitale et la Communauté de langue allemande (Deutschsprachige Gemeinschaft). En vertu de lois linguistiques adoptées en 1963 et d'un décret voté en Communauté germanophone en 2004, la langue de l'enseignement doit être le néerlandais en Communauté flamande, le français en Communauté française et l'allemand en Communauté germanophone.
Les écoles de la Communauté flamande se trouvent en Flandre et dans la Région Bruxelles-Capitale, région bilingue. Les écoles de la Communauté française se trouvent en Wallonie ainsi que dans la Région Bruxelles-Capitale. Les écoles de la Communauté germanophone se trouvent dans la province de Liège.
L'enseignement est en Belgique une compétence des Communautés. Cela signifie que, depuis 1989, les trois Communautés (flamande, française et germanophone) décident sur leurs propres politiques d'enseignement et qu’il n’existe pas de ministère national de l’enseignement. Chaque Communauté a par exemple ses propres objectifs finaux et ses propres curricula. Ceci se caractérise par des différences dans l'enseignement des langues dans les trois Communautés.
- En savoir plus sur l’enseignement des langues dans la Communauté flamande
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres-clés sur l’enseignement scolaire au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Selon les derniers chiffres¹ (année scolaire 2019-2020), la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) compte 118 798 enseignants (équivalents temps plein) dans l’enseignement obligatoire (5 à 18 ans). Il existe 1 944 écoles au sein du Fondamental ordinaire (6-12 ans) et 506 écoles dans l’enseignement secondaire ordinaire (12-18 ans) dont 43 CÉFA (Centres d’éducation et de formation en alternance : ces centres proposent un enseignement à horaire réduit mais prévoient néanmoins dans leur cursus un enseignement des langues étrangères, notamment pour les orientations en hôtellerie).
L’enseignement Fondamental ordinaire représentait, en 2017-2018, 507 618 élèves, tandis que l’enseignement Secondaire ordinaire en dénombrait 363 738.
Comment s’organise l’enseignement des langues étrangères en FWB ?
Dès la maternelle, les élèves peuvent bénéficier d’un éveil aux langues. Dès la 3e année de primaire (8-9 ans), ils apprennent une première langue vivante étrangère (ou langue moderne I) : le néerlandais (langue étrangère obligatoire à Bruxelles – dans l’enseignement francophone), l’anglais ou l’allemand.
L’apprentissage d’une langue étrangère est obligatoire jusqu’à 18 ans dans la plupart des orientations (certains cursus de l’enseignement technique et professionnel n’intègrent toutefois pas l’apprentissage d’une langue étrangère dans leur curriculum).
Selon les orientations choisies, une, deux ou trois langues modernes sont proposées. Une seule est obligatoire en primaire et au début de l’enseignement secondaire.
Au secondaire, le panel de choix pour la langue moderne II (langue pouvant être choisie dès la 3ème année de l’enseignement secondaire – 14-15 ans) est constitué des langues suivantes : l’anglais, l’allemand, l’espagnol, l’arabe, l’italien et le chinois.
En fonction de la grille horaire sélectionnée, les élèves peuvent aussi suivre un cours de langue moderne III (en 5ème année du secondaire c’est-à-dire l’avant-dernière année de l’enseignement obligatoire – 16-17 ans) parmi les langues suivantes : anglais, allemand, italien, espagnol, russe, arabe et chinois, si l’école propose ces enseignements.
Quelles grandes tendances ou évolutions récentes dans l’enseignement/apprentissage des langues avez-vous pu observer ?
Quelles mesures particulières ont été prises dans votre Communauté pour l’intégration linguistique des élèves migrants, notamment les enfants arrivés récemment d’Ukraine ?
Le Pacte pour un enseignement d’excellence prévoit le renforcement des programmes d’accompagnement et de remédiation des primo-arrivants et des élèves allophones, en particulier par rapport au manque de maîtrise de la langue d’enseignement. Il propose d’ajuster les modalités d'organisation des dispositifs d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants (= dispositif DASPA) et des cours d’adaptation à la langue de l’enseignement (ALE), et d’investir des moyens supplémentaires dans les dispositifs spécifiques de réduction des inégalités dans les acquis langagiers.
Dans le contexte de l’accueil de jeunes ukrainiens, les écoles organisant le dispositif DASPA peuvent demander une augmentation de l’encadrement DASPA. Si elles n’en bénéficient pas, elles peuvent en faire la demande dès qu’elles atteignent le seuil « d’augmentation exceptionnelle » prévu par le décret.
La Belgique est devenue pays membre du CELV en 2021 : qu’attendez-vous de cette adhésion ? Quels sont les projets ou les thématiques du CELV que vous considérez comme prioritaires ?
Depuis 2016, la Belgique collabore avec le CELV pour l’organisation de modules de formation RELANG et Supporting multilingual classrooms (SMC). Les retours très positifs ont permis de découvrir la richesse que le CELV peut apporter en matière d’apprentissage des langues, mais aussi par rapport aux contextes multilingues et pluriculturels que nous connaissons dans nos écoles. Pour renforcer la coopération entre nos communautés et avec le CELV, une adhésion nous semblait incontournable.
Nous aimerions que notre public constitué d’enseignants issus de contextes très différents puisse bénéficier encore plus largement des formations offertes par le CELV. La pénurie d’enseignants, et singulièrement celle des professeurs de langues modernes, entraîne en effet le recrutement de profils divers qui ne sont pas en possession du titre requis, disciplinaire ou pédagogique.
Outre la possibilité de réitérer les modules de formation déjà organisés, des formations figurant actuellement dans l’offre du CELV seront programmées prochainement. Une attention particulière sera accordée à la langue des signes dont les contours de formation seront discutés avec les spécialistes du CELV.
Les projets du CELV permettent de diffuser des informations et d'organiser des formations pour les enseignants au profil ciblé afin qu'ils aient une compréhension commune du CECR, en vue de garantir transparence et cohérence dans l’apprentissage des langues et des outils construits par eux. Les ressources et les formations du CELV peuvent les aider dans leur réflexion individuelle et collective. Ces modules de formations permettent aussi les échanges entre professionnels d’une même communauté et entre les communautés.
Notes :
1. Les chiffres clés de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2019, Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bruxelles, 2020.