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État des lieux de la recherche sur les formations ouvertes et à distance en Afrique subsaharienne francophone

Béché Emmanuel

Résumés

Ce travail rend compte de l’état de la connaissance sur les FOAD en Afrique subsaharienne francophone. La description qu’il fait de sa photographie actuelle met en évidence une variété de sujets, dont les raisons justificatives de la création des FOAD et leurs potentialités, les succès, difficultés et défis liés à leur implémentation, les représentations, motivations et identités de leurs acteurs, et leurs aspects historiques et coopératifs. La plupart des recherches sont descriptives et exploratoires, bien qu’il y en ait qui s’inscrivent dans une posture critique. Au-delà de cela, plusieurs problématiques sont à approfondir, notamment celles liées aux pratiques, vécus et transformations qui se déroulent dans ces FOAD

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Texte intégral

Introduction

1Apparues dans la dernière moitié des années 1990 en Afrique subsaharienne francophone (ASSF), les formations ouvertes et à distance (FOAD) ne cessent de s’y développer (Depover et Orivel, 2012). En dépit des lacunes techniques, socioéconomiques et pédagogiques qui leur sont caractéristiques, États et universités de cette partie de l’Afrique s’intéressent à promouvoir ces modes de formation de troisième génération (Tonye, 2008). Certes, leurs débuts dans ce contexte ne concernaient que quelques institutions universitaires comme l’université virtuelle africaine (UVA), l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ou le Centre national de télé-enseignement de Madagascar. Mais aujourd’hui, près d’une centaine de FOAD y sont offertes, incluant aussi bien des initiatives institutionnelles locales que des projets coopératifs. Parmi ces derniers, figurent ceux menés avec l’UVA, l’agence universitaire de la francophonie (AUF) ou des universités indiennes à travers le « Pan African e-Network Project » (PANP), ce qui ne fait qu’accroître l’effectif des acteurs de FOAD dans ce contexte.

2Rien qu’à l’AUF, 25 % de FOAD offertes en 2015 à travers le monde le sont avec des universités africaines1, ce qui, pour Depover et Orivel (2012), fait de l’Afrique son terrain privilégié dans ce domaine. Tonye (2013) soutient aussi que bien que peu développées par rapport aux FOAD occidentales, elles se répandent considérablement en ASSF. D’ailleurs, comme l’écrit Tiemtoré (2008), elles constituent l’un des sujets les plus abordés dans les discours, projets et politiques éducatifs des États et universités de cette partie du globe. Outre ce dynamisme institutionnel, se révèle aussi un fort engouement des étudiants africains pour les FOAD. Du reste, Tonye (2013, p. 104) qualifie de « spectaculaire » leur attraction pour ces modes d’apprentissage. En 2014, par exemple, 77,25 % de dossiers d’admission à une FOAD à l’AUF émanent de l’Afrique subsaharienne, dont 43,4 % de l’Afrique de l’Ouest et 30,67 % de l’Afrique centrale. Les deux pays les plus représentés sont d’ailleurs francophones : le Cameroun (13,65 %) et le Burkina Faso (10 %)2. Ce sont là autant d’éléments contextuels qui font qu’aujourd’hui, les FOAD en ASSF constituent l’un des sujets d’actualité de recherche en éducation. Certes, tel que le montre Ben Henda (2011), près de 90 % des travaux actuellement menés sur les FOAD portent sur l’Occident. Mais celles qui se développent dans cette partie de l’Afrique constituent aussi de plus en plus des sources et pistes d’interrogation. Des ouvrages, articles et thèses y sont ainsi écrits, autant par des chercheurs locaux qu’étrangers.

3Cependant, si des écrits comme ceux réalisés par l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA, 2011), Depover et Orivel (2012), Guidon et Wallet (2007), Kane (2008), Karsenti et Collin (2010, 2011, 2013), Loiret (2013a) et Tonye (2008), lèvent un pan de voile sur l’état des lieux des FOAD en ASSF, il n’y en a pas qui rendent particulièrement compte de l’état de la connaissance sur ce sujet. Certes, Peraya (2008) fait un compte-rendu critique de l’ouvrage dirigé par Guidon et Wallet (2007) sur l’étude comparée des formations à distance en Afrique subsaharienne. Mais il ne permet pas d’avoir un regard panoramique sur l’état de cette question dans la sous-région francophone de cette partie de l’Afrique. Il n’y a donc pas à propos des recherches existantes, une description étendue de leur portrait ni des préoccupations débattues et des problématiques abordées. D’où ce travail qui dresse une physionomie des recherches sur les FOAD dans ce contexte. Globalement, cette revue de la littérature met en évidence plusieurs thèmes qui structurent le champ de la recherche sur les FOAD dans la partie francophone de l’Afrique subsaharienne. Ce sont notamment leur historique, leurs potentialités, leur faisabilité, leur implémentation et leurs modèles pédagogiques. Ce sont aussi les représentations, les motivations et les postures critiques qui y relatives. En les soulignant, cet article met au point un fil de développement utile pour la structuration de ce domaine de connaissance.

1. Raisons justificatives de l’implémentation des FOAD en ASSF

4L’un des sujets les plus développés dans les premiers écrits sur les FOAD en ASSF expose les raisons qui justifient leur implémentation dans ce contexte. Les plus explicitées mettent en exergue les lacunes des universités africaines et les potentialités des FOAD d’y répondre. L’idée d’une crise éducative africaine apparaît ainsi transversale à plusieurs recherches dont celles de Kane (2008), Karsenti et Collin (2011) et Ndiogou Ndiaye (2011). Baranshamaje (1996) et Oillo et Loiret (2006) y voient eux aussi l’une des justifications de l’implémentation des FOAD respectivement à l’UVA et à l’AUF.

5Pour ces derniers auteurs, le principal domaine où se manifestent les crises universitaires en ASSF concerne la formation et la qualification des enseignants. Ici, elles se traduisent par la pénurie des personnels qualifiés et les limites de leur formation scientifique, technique et professionnelle (Lamago, 2011). Guidon et Wallet (2007) décrivent aussi le recours à des vacataires qui n’ont aucune qualification enseignante. Les structures et infrastructures de formation et de recherche aussi ne sont pas en reste. Baranshamaje (1996) et Ndiogou Ndiaye (2011) les jugent absentes, insuffisantes ou non performantes. Il en est de même pour les matériels et dispositifs académiques, technologiques et pédagogiques que Lamago (2011) dépeint comme pauvres et défectueux. D’où l’engendrement d’autres lacunes caractéristiques du système universitaire africain, à savoir le surpeuplement des amphithéâtres, l’inadéquation entre l’offre et la demande éducatives et une situation de chômage inquiétante (Ndiogou Ndiaye, 2011). De même, en justifiant l’offre de l’AUF en termes de FOAD pour l’Afrique francophone, Oillo et Loiret (2006) pointent aussi du doigt l’accès limité à l’information scientifique et technique. Pour eux, ses bibliothèques et centres de ressources documentaires sont peu fournis et non actualisés. Du point de vue de Lamago (2011), cette lacune induit une faible implication pédagogique des acteurs de la formation dans la production des connaissances. De son côté, Baranshamaje (1996) situe la cause de cette faible productivité pédagogique dans le caractère anachronique, non pertinent et inadapté des formations dispensées au sein des universités africaines. Décrivant les projets Université virtuelle francophone (UVF) et UVA, Loiret et Oillo (2013, p. 12) écrivent qu’elles y sont « considérées […] comme inadaptées à l’évolution des connaissances et aux besoins de la société ». Pour Lamago (2011), cela conduit alors à la détérioration de la qualité des enseignements et de la recherche ainsi qu’à l’inadéquation entre la formation et l’emploi, en passant par des taux élevés d’échec, d’abandon et de redoublement. Outre ce marasme documentaire et curriculaire est aussi fréquemment souligné le rôle des difficultés budgétaires, des crises de financement et des déficits de planification de l’éducation, dans la détérioration du système éducatif africain subsaharien (Ndiogou Ndiaye, 2011). Tonye (2010) y ajoute également d’autres facteurs qui sont plus globaux et structurels, comme les contraintes liées à l’évolution du monde socioprofessionnel, la compétitivité des universités occidentales, la mondialisation de l’éducation et la désuétude de la gouvernance universitaire africaine. Karsenti et Collin (2010, 2011, 2013) résument ces lacunes des universités en ASSF en une triple contrainte : forte croissance des effectifs, marges budgétaires réduites et marché de l’emploi peu porteur. Baranshamaje (1996) conclut qu’à cause de cela, ces universités ont failli dans le passé et, de surcroît, ne sont pas préparées pour relever les défis de l’avenir. D’où le recours aux formations à distance dont les potentialités permettraient de pallier leurs lacunes.

6C’est probablement dans ce sens que des recherches sur les FOAD en ASSF invoquent leurs potentialités comme une des raisons qui justifient leur implémentation dans ce contexte. Placées dans une balance qui n’évalue certes pas leurs limites pour l’Afrique, ces potentialités en font un « réel espoir » pour ces universités (Ndiogou Ndiaye, 2011, p. 129) ou l’« alternative avantageuse » pour la formation continue des professionnels (Lamago, 2011, p. 13). D’où l’accent mis dans leurs contributions sur la résolution des crises éducatives africaines par la mise en œuvre d’une batterie de solutions (Dogbe-Semanou, 2010). Rapportant par exemple la position de Baranshamaje (1996) sur les FOAD en Afrique, Loiret (2006) montre que, pour lui, celles-ci sont « le seul moyen » qu’a ce continent de réaliser l’éducation pour tous (p. 123). Il présente en effet les technologies qui les supportent comme dotées d’un « fort potentiel » grâce auquel elles sont capables de surmonter les obstacles à une éducation de qualité en Afrique.

7Au terme d’une étude sur la comparaison des FOAD en ASSF, Guidon et Wallet (2007) mettent en évidence leurs rentabilités pour ce contexte, et concluent que sans elles, « il faudrait 200 ans pour former le nombre d’enseignants nécessaire » (p. 16). Leur mise en place devrait alors permettre de juguler le déficit crucial des professionnels et de renforcer leurs contributions au développement (Lamago, 2011). Ce sont autant de potentialités des FOAD pour les pays africains que Depover et Orivel (2012) s’attèlent aussi à démontrer. Aussi, à partir d’un cas concret, Lishou (2008) expose-t-il en tant qu’acteur du dispositif de FOAD à l’UCAD les avantages obtenus : amélioration sensible de la qualité des enseignements et transformation qualitative du format pédagogique doublée d’un rendement significatif. Du côté apprenant, l’auteur témoigne qu’il a aussi permis un rapport qualité/confort de suivi de cours très élevé, ce qui n’était pas le cas avec des classes surpeuplées et non équipées. De même, en analysant les contextes et pratiques de FOAD en Afrique subsaharienne, Karsenti et Collin (2010, 2011, 2013) explicitent également leurs bénéfices pour ce continent. Ils situent d’ailleurs ces potentialités au regard de l’objectif de la formation professionnelle qualifiante des travailleurs, ce dont l’Afrique a besoin pour son développement. Dans le même sens que Depover et Orivel (2012) ou Ndiogou Ndiaye (2011), ces auteurs montrent que parce que les FOAD permettent d’accueillir un nombre d’étudiants plus grand et diversifié qu’en présentiel, elles sont capables de « contribuer de façon efficace au développement d’une main-d’œuvre africaine qualifiée » (Karsenti et Collin, 2011, p. 495). Ils soutiennent que grâce à elles, l’ASSF n’aura plus besoin de compétences extérieures pour son développement. Bien plus, elles lui permettent de conserver son capital humain sur place. L’une des potentialités des FOAD qu’Akouete-Hounsinou (2012) et Lamago (2011) soulignent pour cette partie de l’Afrique concerne justement le développement professionnel des Africains via les formations continues et l’apprentissage tout au long de la vie. Karsenti et Collin (2011, p. 495) montrent qu’en « permettant aux apprenants de suivre une formation professionnelle externe à leur milieu socioprofessionnel immédiat tout en y restant, ce qui contribuerait à faciliter le réinvestissement de leurs compétences dans leur contexte local », les FOAD donnent à l’Afrique les moyens de « freiner la fuite des cerveaux » et d’avoir des « professionnels qualifiés disponibles et sur place ». D’ailleurs, en étudiant les profils des étudiants africains de FOAD à l’AUF, ces auteurs mettent en évidence des résultats positifs obtenus. Même s’ils constatent un décalage catégoriel entre ces résultats, ils ne l’attribuent pas aux FOAD, car « il est susceptible de s’appliquer à toute formation continue » (idem, 2010, p. 85). Ils concluent alors à leur fort potentiel pour le développement professionnel des Africains à même leur contexte.

2. Représentations des FOAD et de leurs acteurs en ASSF

8Si les recherches sur les FOAD en ASSF insistent sur leurs potentialités pour répondre aux crises des systèmes universitaires africains, elles s’intéressent aussi à leurs représentations. L’un des aspects de celles-ci traduit la façon dont ces recherches « relient l’offre internationale de formation à distance au diagnostic de crise sur lequel elle est construite » (Kane, 2008, p. 69). Coumaré (2010) et Guidon et Wallet (2007) présentent ainsi les FOAD comme une réponse intéressante aux lacunes des formations initiales et continues au sein des universités d’ASSF. Lamago (2011) les décrit aussi comme une solution nécessaire aux difficultés qu’elles traversent dans ce domaine. L’image de « remèdes » à laquelle ces recherches relient les FOAD en ASSF transparaît d’ailleurs à travers des assertions qui font d’elles la « distanciation salvatrice » (Kane, 2008, p. 69), la « réponse idoine » (Karsenti et Collin, 2010, p. 74), ou l’« alternative intéressante » (Karsenti et Collin, 2011, p. 494) aux crises universitaires africaines. Présentées comme une nécessité à la fois pour les étudiants et les enseignants, elles supportent « l’intervention des formateurs étrangers, d’experts venant des pays développés » (Karsenti et Collin, 2010, p. 74). Aussi, Oillo et Loiret (2006) les situent-ils dans la perspective de résolution de ces crises qui n’ont pas eu d’issues malgré des nombreux sommets, colloques, États généraux et conférences sur l’éducation en Afrique. D’où leur description comme une solution aux problèmes de formation des professionnels, à la massification universitaire, à l’accès limité à la documentation et à la mauvaise qualité de l’éducation et de la recherche.

9Cette représentation des FOAD se lit d’ailleurs dans les travaux qui décrivent l’implémentation de certains dispositifs de formation à distance en ASSF. En parlant ainsi de l’UVA, Loiret (2008) rapporte que sa création était la réponse de la Banque mondiale (BM) aux crises caractéristiques de l’enseignement supérieur en Afrique. De même, en décrivant les FOAD à l’AUF, Marquet, Mohib Najoua, Schaming et Papi (2013, p. 22) les considèrent comme répondant à « l’impérieuse nécessité de donner les moyens à l’Afrique de résoudre sa crise universitaire ». C’est aussi cette image que donnent Loiret et Oillo (2013) aux FOAD à l’AUF. Ainsi, situent-ils la création des campus numériques francophones (CNF) au sein des universités africaines dans la perspective de lutter contre l’insuffisance quantitative et qualitative de leur documentation scientifique et académique. Globalement, la représentation des FOAD dans la littérature scientifique fait de celles-ci l’une des occasions de résoudre enfin, en ASSF, les défaillances du système universitaire. Sans toutefois la généraliser à l’ensemble des écrits sur ce sujet, l’on peut mentionner à titre d’illustration la promotion que fait Loiret (2013b) de la formation continue à distance en informations informatisées en réseaux à l’École de bibliothécaires archivistes et documentalistes de Dakar (EBAD). Il la décrit comme « la bouée de sauvetage et le moyen d’un nouvel essor de l’EBAD » (idem, p. 126). Elle intervient en effet à un moment où l’institution traversait un certain nombre de crises : perte de sa vocation régionale, baisse des effectifs étrangers et inadaptation des formations à l’évolution des sociétés. Tonye (2013) situe aussi la création de la formation à distance Master en télécommunication à l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé (ENSP) comme une réponse à un besoin en ingénieurs qualifiés dans le secteur de télécommunications.

10En ce qui concerne les motivations et représentations des acteurs à l’égard des FOAD en ASSF, les écrits les déclinent en deux formes : celles des institutions et celles des acteurs finaux dont les étudiants. Décrivant les représentations des acteurs institutionnels sur les FOAD, Depover et Orivel (2012) montrent qu’ils sont plutôt enclins à les intégrer à leur arsenal éducatif. Obono Mba (2008) y relève d’ailleurs une opinion consensuelle sur ce point. Elle fait remarquer qu’au Gabon, les FOAD sont perçues « comme une stratégie susceptible d’apporter le savoir et le savoir-faire à la majorité des citoyens » et de satisfaire les « besoins de formation continue des enseignants » (p. 394). D’où des discours institutionnels exaltant et sublimant les FOAD et les technologies qui les supportent. Du côté des étudiants, Tonye (2010) montre que l’attraction pour les FOAD est aussi « envoutante », alors même qu’ils en ont cependant idée somme toute vague au début de leur formation (p. 73). À cette étape, ils doivent se familiariser avec les dispositifs, en fournissant des efforts psychologiques et méthodologiques pour ajuster leurs conceptions initiales des FOAD aux exigences de ces dernières. Au fur et à mesure de leur utilisation, leurs représentations évoluent au point de les considérer ensuite comme exigeantes, innovantes et à dominance collaborative, mais permettant un parcours individualisé (ibid.). En termes de motivation pour les FOAD, ces auteurs montrent que pour ces étudiants, le développement des compétences professionnelles constitue le principal facteur. Ils y trouvent un moyen de se perfectionner et de pallier leurs lacunes en termes de formation, d’employabilité et d’adaptation aux enjeux socioéconomiques et professionnels émergents (Karsenti et Collin, 2010). C’est ce qui explique pourquoi les étudiants inscrits dans des FOAD en ASSF sont majoritairement des professionnels qui ont un emploi (Karsenti et Collin, 2013) et que Fournier Fall (2006, p. 9) définit comme un « public différent des étudiants de l’enseignement supérieur traditionnel ». Ce sont des adultes, travailleurs, diplômés de l’enseignement supérieur, ayant acquis une formation initiale et dotés d’une certaine expérience professionnelle. Ce sont aussi en majorité des citadins, donc un public aisé dont les moyens permettent de supporter les coûts élevés d’inscription dans un dispositif de FOAD et d’acquérir des facilités documentaires et technologiques nécessaires pour la formation.

3. Dimensions historiques et coopératives des FOAD en ASSF

11Parmi les écrits sur les FOAD en ASSF, l’on distingue aussi ceux qui décrivent leur historique. Outre ceux de Kane (2008) et de Loiret et Oillo (2013) qui retracent l’évolution du dispositif de formation à distance à l’AUF, on cite également ceux de Kokou Awokou (2007). En étudiant ainsi le cas des pays francophones d’Afrique de l’Ouest, il distingue deux grands moments dans le développement de leurs formations à distance : celui de l’audiovisuel et celui du numérique. Dans le premier qu’il situe avant 1990, les outils de la distance et de la médiation étaient le courrier postal, l’imprimé, les cassettes audio et vidéos. Les formations à distance s’effectuaient alors sous forme de cours par correspondance, de radio éducative et de télé-enseignement, et visaient la mise à niveau scolaire ou alphabétique des élèves, des enseignants du primaire et des ruraux. Dans le second moment, en revanche, la distance se traduit par l’utilisation des technologies web et intervient dans un contexte de crise éducative et de morosité économique. Si l’auteur relève une rupture entre les deux moments du fait de l’arrêt des premières expériences, il montre qu’il y a un rapport étroit entre l’évolution des dispositifs technoéducatifs et leurs contextes politiques, économiques, technologiques et éducatifs. Il souligne également le rôle des partenaires extérieurs et des rencontres internationales dans le développement des dispositifs de FOAD dans ce contexte.

12Pour lui comme pour Guidon et Wallet (2007), ces dispositifs ont commencé en 1970. Mais leur développement est surtout le résultat des concertations issues de la conférence mondiale sur l’éducation supérieure de Paris en 1998, du forum mondial sur l’éducation tenu à Dakar en 2000 et du comité sur les recommandations relatives au statut des enseignants organisé la même année à Genève. Inzoli et Zouya Mimbang (2013) les décrivent comme des formations « prêt-à-porter », contrairement à celles pratiquées dans l’Afrique anglophone où elles s’apparentent à des entreprises industrielles. Ils montrent en fait que l’histoire des FOAD en Afrique épouse les trajectoires de sa colonisation. C’est ainsi qu’en ASSF, elles restent marquées par l’intervention de l’AUF dont Loiret (2007, 2013b) fait la description historique. Amorcée au début des années 1980, cette intervention en matière de FOAD répondait à la pauvreté de la documentation académique et scientifique caractéristique des pays de cette sous-région. D’où le déploiement d’un vaste programme d’accès à l’information scientifique et technique de type électronique en 1989, et la création des systèmes francophones d’édition et de diffusion (SYFED) au sein des universités. Si au départ, l’objectif de ces programmes et structures était de « lutter contre l’absence dramatique de documentation scientifique actualisée, à la fois en nombre et en qualité » (Oillo et Loiret, 2006, p. 114), il va s’élargir en incluant le projet de développement des dispositifs de FOAD, notamment en Afrique francophone. C’est particulièrement dans ce sens que Loiret et Oillo (2013) situent la création de l’UVF en 1998 et la mutation des SYFED en Campus Numérique Francophone (CNF) en 2000, qui deviennent des cadres d’accompagnement et de développement des FOAD, basés sur des réseaux de partenariats.

13Kane (2008) et Ndiogou Ndiaye (2011) distinguent trois types d’acteurs avec lesquels ces partenariats pour la création des FOAD en ASSF sont établis. Le premier inclut les organismes internationaux comme l’ADEA, l’AUF, la BM, l’Unesco, et le Programme des Nations unies pour le développement. Le second type concerne les pays tels que la Belgique, le Canada, les États-Unis, la France, l’Inde et la Suisse. Et le troisième est constitué des réseaux qui, initiés par l’un ou l’autre des pays et organismes ci-dessus, constituent des cadres de développement des dispositifs de FOAD en Afrique subsaharienne. C’est le cas par exemple du Bureau régional pour l’éducation en Afrique, des CNF, du Centre d’applications, d’études et de ressources en apprentissage à distance, de l’Institut des nouvelles technologies de l’information et de la formation, du PANP, du Réseau africain de formation à distance, de l’UVF et de l’université virtuelle suisse (UVS). Depover et Orivel (2012) et Guévart et al. (2009) montrent que l’intervention de ces partenaires étrangers traduit la forte implication de l’Occident dans le développement des FOAD en ASSF, et constitue une des spécificités de ces dernières. Guidon et Wallet (2007) font d’ailleurs remarquer que ces FOAD sont le fruit d’une série de recommandations issues de diverses rencontres et coopérations internationales sur l’éducation et la société de l’information en Afrique, dont Ndiogou Ndiaye (2011) souligne par ailleurs le rôle dans la conception et l’implémentation de ces dispositifs.

14De ces acteurs étrangers, l’AUF et ses CNF sont les plus décrits en tant que partenaires privilégiés des FOAD en ASSF. Pour Inzoli et Zouya Mimbang (2013), l’examen du développement des FOAD dans cette partie de l’Afrique montre qu’il épouse son histoire coloniale. Au reste, à l’instar de celles d’Oillo et Loiret (2006), la plupart des recherches sur les FOAD dans ce contexte soulignent amplement le rôle de l’organisme francophone dans l’implémentation de ces dispositifs. C’est d’ailleurs l’AUF qui valide leur création et facilite leur développement via ses CNF (Loiret, 2007, 2008). Marquet et al. (2013) présentent ces derniers comme des dispositifs mis en place par l’AUF dans des universités publiques africaines, destinés à les accompagner dans le progrès technologique, l’appropriation des FOAD et le développement des pratiques universitaires supportées par l’usage des nouvelles technologies. Ben Henda (2005) soutient que, de ce point de vue, ces partenariats sont salutaires pour l’Afrique du fait de sa diversité culturelle et linguistique. Il avance deux principales raisons à cela. La première est qu’ils contribuent à assurer la qualité de l’éducation universitaire du Sud et à réduire la fracture numérique entre cette partie du globe et le Nord. Deuxièmement, ils sont une occasion pour les pays du Sud de contribuer à la standardisation des FOAD en faisant valoir leurs spécificités linguistiques et culturelles, surtout que, pour Loiret et Oillo (2013), la plupart de ces coopérations s’appuient sur des formations et diplômes existant au sein des universités africaines locales. Mais, comme nous le verrons un peu plus loin, si les uns comme Ben Henda, 2005 et Guévart et al. (2009) exaltent ainsi ces partenariats, d’autres à l’instar de Benchenna (2006, 2008) les critiquent estimant qu’ils sont en défaveur de l’éducation africaine.

4. Conditions de faisabilité et défis des FOAD en ASSF

15Dans un contexte de déficits technopédagogiques et socioéconomiques, les recherches sur les FOAD en ASSF s’attèlent évidemment à évaluer leurs conditions d’implémentation. C’est le cas de Tonye (2008) qui, constatant leur faible déploiement en Afrique centrale, explicite leurs conditions de faisabilité. L’une d’elles invite à les contextualiser pour qu’elles répondent aux préoccupations locales. Tout en soulignant l’intérêt de développer les infrastructures technologiques et structurelles, il présente l’ancrage social des technologies comme une condition essentielle de leur implémentation. Il montre que, pour que les FOAD s’y développent, elles doivent être adaptées au contexte africain via une modélisation qui éclaire leurs « possibilités d’implantation efficace et efficiente » (Tonye, 2008, p. 8). Akouete-Hounsinou (2012) soutient aussi que cette adaptation doit reposer sur une modélisation qui identifie et analyse au préalable les besoins locaux. Pour elle, les FOAD en Afrique subsaharienne doivent être une réponse contextualisée aux préoccupations du terroir plutôt qu’un effet de mode qui oblige à adopter celles dont les contenus et objectifs sont éloignés des réalités locales. Pour cela, elle insiste sur l’optimisation de leurs modalités administratives, pédagogiques et technologiques en contexte africain, tout en palliant les difficultés liées aux formations continues traditionnelles. Lamago (2011) insiste également sur ces aspects. Scrutant l’intérêt et la faisabilité des FOAD pour les enseignants camerounais, il met en avant, d’un côté les prédispositions technologiques, structurelles, financières, administratives et pédagogiques des acteurs, et de l’autre côté la disponibilité et l’utilisabilité des ressources technopédagogiques. Obono Mba (2008), quant à elle, résume les conditions de réussite d’un projet de FOAD en Afrique subsaharienne en quatre impératifs fondamentaux : promotion des habiletés technopédagogiques, préparation psychologique, soutien financier et technologique, et développement des partenariats institutionnels et entre acteurs finaux.

16En plus de scruter les conditions d’implémentation des FOAD dans ce contexte, la littérature scientifique les concernant en expose aussi les défis qu’il leur faut relever. Celui le plus largement souligné est d’ordre informatique et technologique. Karsenti et Collin (2010, 2011) montrent ainsi qu’il est important que les institutions et les individus s’équipent d’outils nécessaires pour le succès de ces modes de formation. C’est ce qu’ils entendent par réduction de la distance technique, qui inclut aussi la maîtrise technique d’un dispositif de FOAD. Outre ce défi, ces auteurs soulignent aussi celui lié à l’organisation et aux compétences des acteurs de FOAD. Pour eux, le développement de ces formations en Afrique subsaharienne passe aussi par la capacité des étudiants à l’autodiscipline, à l’autonomie, à la responsabilité et à la capacité d’autorégulation. D’où l’importance de réduire la distance temporelle. Pour Guidon et Wallet (2007), c’est un moyen d’atténuer les taux élevés d’abandon dans les FOAD en Afrique, tout comme minimiser la distance socioculturelle. Présentant ce dernier défi en termes d’évolution dans les représentations vis-à-vis des FOAD, Dogbe-Semanou (2010) montre que les facteurs personnels comme la motivation et une attitude favorable à l’égard des technologies et de la distance sont importants à promouvoir. Il en est de même pour ce qui regarde la formation des enseignants à l’usage technopédagogique des dispositifs de FOAD (Tonye, 2010). Dogbe-Semanou (2010) soutient que ce facteur, ainsi que les compétences technologiques des étudiants et les politiques institutionnelles, contribuent à améliorer les taux de rétention et de persévérance des acteurs dans les FOAD, ce qui est un autre défi à relever.

5. Fonctionnement et modèle pédagogique des FOAD implémentées en ASSF

17Dans la littérature scientifique sur les FOAD en ASSF, la description des dispositifs implémentés occupe aussi une place particulière. Relatant notamment les dix années d’expérience de l’UVA, Loiret (2008, 2013a, 2013b) critique sa démarche positiviste technologique, avant de se lancer dans la description des modes d’implémentation, de fonctionnement et de développement des FOAD à l’AUF. Dans le même sens, Diakhaté (2014) et Diop (2015) exposent les succès et les tensions dans le déroulement des FOAD à l’UCAD, ce que fait aussi Akouete-Hounsinou (2012) pour ce qui est des formations à distance au Bénin. Chez Lekeaka Alemnge (2015), qui présente le dispositif de FOAD à l’université de Buea, deux aspects sont mis en évidence : les démarches et conditions de leur implémentation, et les composantes et modes de leur fonctionnement. L’on retrouve aussi ce schéma chez Ndiogou Ndiaye (2011), qui expose la physionomie technopédagogique des FOAD à l’UCAD, et chez Tonye (2013), qui décrit le programme de master en télécommunication à distance à l’ENSP. Il démontre ainsi « son fonctionnement, sa démarche, sa méthodologie et les moyens mis en œuvre pour sa création ainsi que son bilan » (idem., p. 103). Dans ce dispositif qu’il qualifie d’hybride, il distingue trois principaux acteurs : pédagogiques, administratifs et coordonnateurs. Pour Dogbe-Semanou (2010) et Touré (2014) respectivement, c’est la faible interaction entre ces acteurs qui explique en partie le taux élevé d’abandon chez les étudiants togolais à distance et l’autonomie fragile de ceux de l’Afrique de l’Ouest en général.

18Globalement, les recherches descriptives sur les FOAD en ASSF font ressortir autant leurs succès que leurs balbutiements. Pour expliquer ce dernier aspect, Diop (2005) pointe du doigt l’insuffisance des infrastructures, de la distribution des tâches, de la formation des enseignants et de leur motivation financière. Akouete-Hounsinou (2012) invoque également les considérations sociotechniques peu avantageuses et la faible articulation entre la distance et le présentiel. En décrivant les FOAD à l’UCAD, Ndiogou Ndiaye (2011) montre aussi qu’au-delà des avancées, le fonctionnement de ce dispositif est confronté à toute une série des problèmes. Parmi ceux-ci, il cite l’absence de leurs véritables politiques de développement, l’insuffisante interaction entre les formations dispensées en présentiel et celles offertes à distance, les difficultés budgétaires et la faible pertinence des curricula de formation. Pour cet auteur comme pour Tonye (2013), c’est ce qui explique pourquoi, au-delà des projets ambitieux pensés, on constate une appropriation relativement faible des FOAD par les acteurs locaux (Diop, 2015 ; Fournier Fall, 2006).

19Au plan pédagogique, l’examen des écrits sur les FOAD en ASSF montre que ces dispositifs couvrent des domaines particuliers et ciblés de la connaissance (Marquet et al., 2013). S’intéressant justement à ces FOAD, Dogbe-Semanou (2010) souligne leur caractère spécialisé, quoiqu’elles fonctionnent au sein des universités classiques. Chez Fongang Ewoussoua et Tonye (2009), la lecture de la description d’une formation à distance camerounaise met en évidence un dispositif qui privilégie les contenus, l’accès à ces contenus et leur utilisation par les étudiants. On retrouve aussi cette perspective chez Touré (2014) qui examine l’autonomie des apprenants dans une FOAD en Afrique de l’Ouest. L’on perçoit ainsi l’émergence d’un modèle de développement des FOAD qui privilégie les échanges de fichiers, les évaluations continues et les interactions au sein des forums. Aussi, que ce soit chez Dogbe-Semanou (2010), Tonye (2010), Coumaré (2010) ou Akouete-Hounsinou (2012), on lit une influence des facteurs technologiques, institutionnels et environnementaux sur la structuration et l’exploitation des contenus de formation à distance. Voilà pourquoi Fongang Ewoussoua et Tonye (2009) insistent sur la prise en compte des aspects techniques, partenariaux, procéduraux, interactifs et ergonomiques, dans le but de faciliter l’accessibilité et l’apprentissage.

6. Postures critiques sur les FOAD en ASSF

20Si en majorité, les recherches sur les FOAD en ASSF les exaltent ou s’inscrivent dans une démarche descriptive exploratoire, quelques-unes y adoptent néanmoins des postures critiques. Parmi elles, celles menées par Loiret (2006, 2007, 2008) sur l’UVA et par Benchenna (2006, 2008) sur l’AUF.

21Examinant la première décennie de l’UVA, le premier auteur en questionne trois principaux aspects : les raisons mises en avant pour justifier sa création, la démarche de sa conception et de son implémentation, et sa politique de gouvernance et de développement. Loiret (2007) montre ainsi que sa création repose sur des mobiles et objectifs qui remettent systématiquement en cause les systèmes universitaires africains. Ces raisons qui concluent à leur retard et à leur incapacité de le combler n’en déterminent pas les causes. Elles ne tiennent pas non plus compte du contexte de politiques d’ajustement structurel dans lequel ceux-ci ont évolué. D’où le fait que, pour lui, la création de l’UVA comporte une erreur d’appréciation du contexte universitaire africain et une tentative d’instrumentalisation de l’innovation. Il montre que sa conception est renforcée par une démarche d’innovation déterministe, qui fait primer les dispositifs technologiques et économiques sur les réalités et ressources locales, ce qui a conduit à décontextualiser les formations offertes à distance. Car, comme il le développe, face aux « plaies » des universités africaines, l’UVA fut présentée comme l’unique solution, dotée de vertus technopédagogiques par lesquelles elle les transformerait. Loiret (2007, 2008) considère d’ailleurs l’inadaptabilité de son modèle de gouvernance et de développement au contexte africain comme l’une des causes des limites de ses ambitions sans bornes. Sauf que les critiques qu’il y adresse, servent le positionnement stratégique de l’AUF.

22Quant à Benchenna (2006, 2008), il montre que, comme l’UVA, le dispositif de FOAD à l’AUF a été aussi pensé comme une réponse aux crises des universités africaines. Il y voit d’ailleurs une démarche paternaliste et un déterminisme technologique qui réduit l’intérêt accordé aux ressources et préoccupations locales. Pour lui, sa création est une réaction concurrentielle à l’UVA et « à l’offensive du monde anglo-saxon qui cherche à conquérir le marché mondial de la formation » (Benchenna, 2008, p. 106). Il le présente aussi comme le bras droit de la politique d’internationalisation de la formation française dans un contexte de mondialisation de l’éducation. Basé sur des logiques qui ne sont pas que pédagogiques, il est dépeint comme un mécanisme qui structure la dépendance des universités africaines francophones à l’égard de leurs homologues du Nord. Outre cela, Benchenna (2006, 2008) soutient que les FOAD à l’AUF limitent la mobilité internationale des étudiants africains, réduisent l’accessibilité à l’éducation et redistribuent les rôles entre les acteurs issus du Nord et ceux du Sud. « Prises entre nécessité politique, absence de stratégie globale et complexité des contextes, [elles relèguent] au second plan le champ de la transmission des savoirs et la qualité des apprentissages au profit des logiques marchandes et géopolitiques » (Benchenna, 2008, p. 106). Il présente ainsi la coopération française en matière de FOAD en ASSF, non pas comme un acte de solidarité, mais comme une stratégie de positionnement global.

Conclusion

23Tout au long de ce travail, nous nous sommes attelé à rendre compte de l’état de la connaissance sur les FOAD en ASSF. La description de la photographie actuelle des recherches sur ce sujet nous a permis d’identifier quelques thèmes qui la structurent.

24L’un d’eux a trait aux raisons qui justifient l’implémentation des FOAD dans cette partie de l’Afrique. Les écrits sur ce sujet les adossent aux lacunes de son système universitaire : faible qualification enseignante, carence structurelle, massification universitaire, marasme documentaire et curriculaire et crise de financement. Aussi situent-ils les FOAD comme une réponse à ces crises éducatives qui induisent l’incapacité des universités africaines à s’adapter aux enjeux actuels et émergents du monde et de contribuer au développement de leurs pays (Baranshamaje, 1996). Ouvertes et flexibles, elles sont alors décrites comme capables d’atteindre un nombre élevé et diversifié d’étudiants et de faciliter leur développement socioprofessionnel, grâce aux compétences et partenariats extérieurs. Si les uns vantent ces partenariats qui constituent l’une des caractéristiques des FOAD en ASSF (Guévart et al., 2009), d’autres y voient une politique de positionnement stratégique des acteurs étrangers (Benchenna, 2008). Toujours est-il qu’issues des rencontres internationales, ces FOAD sont marquées par l’histoire coloniale des pays africains (Inzoli et Zouya Mimbang, 2013), ce qui explique l’importance des interventions de l’AUF. Les écrits dont elles font l’objet soulignent les discours prometteurs des acteurs institutionnels sur les FOAD. Ils soulignent aussi les représentations positives et évolutives de ces dispositifs auprès des étudiants qui s’y inscrivent dans la perspective de leur développement professionnel. Aussi, mettent-ils l’accent sur la description des conditions d’implémentation et de développement des FOAD dans ce contexte. En les décrivant, ces écrits exposent autant leurs succès que leurs balbutiements dus à plusieurs déficits (Tonye, 2008). Pour pallier cela, ils énumèrent divers défis au rang desquels on compte l’équipement technologique, la promotion des compétences locales, les politiques de développement et de financement des FOAD et la contextualisation de ces formations (Guidon et Wallet, 2007). C’est d’ailleurs sur ce dernier aspect que se concentrent les critiques que les recherches adressent aux FOAD à l’UVA et à l’AUF (Benchenna, 2008 ; Loiret, 2008).

25Ainsi qu’on le voit, cet état de la recherche sur les FOAD en ASSF met en évidence non seulement leurs dynamiques, mais aussi l’évolution et la diversification des problématiques abordées. Au-delà de celles axées sur leur implémentation et acceptabilité, les écrits récents s’intéressent davantage à leur utilisation et adoption dans la perspective de l’innovation. Cette évolution fait alors ressortir un modèle de développement des FOAD qui accorde un intérêt particulier aux contenus, à leur accessibilité technologique et aux partenariats. Cependant, plusieurs interrogations méritent d’être davantage poussées afin de mieux cerner ce champ de la recherche. L’une d’elles concerne leurs ancrages socioculturels. Les innovations qu’elles induisent et les transformations qu’elles engendrent dans le fonctionnement des universités sont aussi à scruter. À cela, s’ajoute leur hybridation, y compris l’articulation entre les formations à distance et classiques. De même, il est important d’analyser dans la perspective de l’appropriation, les pratiques sociopédagogiques dans les FOAD, la construction identitaire des participants ainsi que leurs stratégies d’acteurs.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Béché Emmanuel, « État des lieux de la recherche sur les formations ouvertes et à distance en Afrique subsaharienne francophone »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 14 | 2016, mis en ligne le 20 juin 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/dms/1401 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.1401

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Auteur

Béché Emmanuel

Université de Maroua, BP 46
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