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Préparation à la certification en français dans le contexte universitaire tunisien. Quels dispositifs spécifiques pour les étudiants en mastère ?

Working for certification in French in the Tunisian academic context. What specific plans for M. A. students?
Mohamed Msalmi
p. 63-86

Résumés

Partant de la dynamique qui caractérise actuellement l’enseignement-apprentissage des langues étrangères dans le contexte tunisien, l’objectif de cet article est de présenter un projet d’implantation de la certification en langue française en milieu universitaire après l’adoption du système LMD.
La présentation est suivie du compte rendu d’une expérimentation didactique que nous avons réalisée à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax (FSEGS) autour de l’élément constitutif d’une unité d’enseignement, intitulé « français : préparation à la certification » et intégré aux programmes de deux mastères en informatique appliquée.
Les données ont été recueillies grâce à une double enquête menée auprès des étudiants des deux mastères (recherche et professionnel) et de leurs enseignants de français de spécialité, au cours du premier semestre de l’année universitaire 2010-2011.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Voir La note de cadrage pour l’établissement du diplôme de mastère dans le cadre du système LMD, Mi (...)

1En Tunisie, les objectifs de la mastérisation récente des études supérieures, consécutive à l’adoption officielle du système Licence-Mastère-Doctorat (LMD), sont essentiellement le développement de compétences pour une économie fondée sur le savoir et l’employabilité des diplômés, dans le cadre d’un partenariat avec l’environnement économique, social et culturel1. Dans cette perspective, la certification en langues étrangères doit offrir aux étudiants une possibilité de mobilité dans les études et leur permettre de se positionner professionnellement. Cela implique un travail de concertation entre les décideurs de la politique éducative, les concepteurs des unités d’enseignement et les enseignants, dans le choix des outils de certification et des contenus de préparation et d’entrainement destinés aux apprenants.

2Sur le terrain, rien ne prouve l’existence de telles mesures précédant l’apparition de l’Élément constitutif d’une unité d’enseignement (ÉCUE) « français : préparation à la certification » dans les programmes du mastère de recherche en « Systèmes d’informations et nouvelles technologies » (MR-SINT) et du mastère professionnel en « Audit et sécurité informatique » (MP-ASI). En français de spécialité, « [l’]analyse des besoins est d’autant plus importante qu’elle va déterminer les priorités et les objectifs à donner à l’enseignement » (Robert 2008 : 22) ; cependant, des interrogations restent encore sans réponse dans les textes officiels cadrant les mastères en question et dans les discours des enseignants des disciplines de spécialité à l’échelle d’un établissement universitaire comme la Faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax (FSEGS).

  • Qu’est-ce qui a motivé l’intégration de cet ÉCUE dans les programmes des deux mastères ? Les besoins des étudiants, les propositions des enseignants de français en place, les recommandations des enseignants des disciplines académiques de spécialité (informatique, gestion, économie, etc.) ou les suggestions des responsables des commissions sectorielles à l’échelle nationale ?

  • Les enseignants de français de spécialité sont-ils en mesure de choisir les outils d’évaluation certificative adaptés aux besoins de leurs étudiants ? Ou faut-il plutôt considérer que les étudiants sont les mieux placés pour effectuer ce choix et orienter les contenus de préparation à la passation des épreuves de certification ?

3L’objectif de cette contribution est d’examiner une stratégie d’intégration de la préparation à la certification en français à un parcours spécifique d’études universitaires. En tenant compte de l’état actuel de l’offre et de la demande de certification en français sur le « marché » de formation en langues étrangères, il y a tout lieu de s’interroger sur les outils qui permettent de positionner les étudiants sur une échelle de niveau en termes de capacités et de compétences linguistiques et langagières.

4Dans un premier temps, nous présentons le cadre théorique et le contexte institutionnel de l’étude. Dans la seconde partie, nous exposons les étapes et les résultats d’une expérimentation que nous avons menée dans le cadre de l’ÉCUE intégré aux programmes des mastères en question et visant à préparer les étudiants aux certifications spécifiques en langue française.

1. Cadre théorique et contexte institutionnel

  • 2 Voir sur la question le numéro récent des Cahiers de l’ASDIFLE paru en 2012, « Évaluations et certi (...)

5Le processus d’évaluation, démarche visant à recueillir des informations sur les apprentissages, à porter des jugements sur ces informations et à décider de la poursuite de l’apprentissage est généralement, selon la définition du Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (Cuq 2003 : 90), profondément enraciné dans le système éducatif et la tradition d’enseignement propres à chaque pays. Or, depuis quelques années, la situation évolue vers l’adoption de tests et de diplômes connus à l’échelle internationale et s’adaptant aux besoins des apprenants pour les études et / ou le travail. Cette nouvelle dynamique2 que connaît la question de l’évaluation au sein de la didactique des langues étrangères s’explique en partie par la possibilité d’évaluer les compétences linguistiques des apprenants grâce à des outils de certification standardisés, indexés sur les niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues – désormais CECRL – (Conseil de l’Europe 2001), internationalement reconnus et mis au point par des organismes indépendants et externes à la situation d’enseignement-apprentissage.

6Par ailleurs, si nous admettons que l’un des objectifs fondamentaux d’une didactique disciplinaire, comme la didactique du français par exemple, est d’« expérimenter de nouvelles modalités d’enseignement » (Bronckart 1989 : 64), nous pensons qu’une telle visée devrait faire appel à un processus comportant les étapes suivantes : observations, hypothèses, vérification des hypothèses (mise en place d’une expérimentation et choix d’instruments permettant de recueillir les données nécessaires sur le terrain), résultats, interprétations et conclusions.

7Dans le contexte de l’enseignement supérieur tunisien, et à l’instar de ce qui se passe en France, la circulaire ministérielle3 n° 34/10, datant du 31 août 2010, portant sur la certification linguistique dans les écoles nationales d’ingénieurs (ENI) tunisiennes, incite les directeurs de ces institutions à informer les nouveaux élèves ingénieurs que l’obtention du diplôme national d’ingénieur nécessite dorénavant un score minimum dans d’une certification d’anglais, reconnue à l’international comme le TOEFL (Test of English as a Foreign Language) ou le TOEIC (Test of English for International Communication). La même circulaire exhorte les responsables de ces instituts de formation à prendre les mesures nécessaires pour préparer les étudiants aux examens de certification. Les cours d’anglais dispensés dans ces établissements deviennent, de ce fait, un cadre propice à ce type de préparation.

8En ce qui concerne la langue française, ni l’offre ni la demande en certification ne sont actuellement en mesure de rivaliser avec celles relatives à la langue anglaise, ni à l’université ni dans les organismes de formation. Toutefois, en milieu universitaire, la dynamique de préparation à la certification semble gagner peu à peu l’enseignement du français, non pas dans le cadre des licences fondamentales et appliquées mais plutôt au niveau des mastères, et précisément de ceux instaurés par la réforme LMD. L’exemple récent qui corrobore ce constat est l’ÉCUE intitulé « français : préparation à la certification » intégré, dès la rentrée 2010/2011, aux programmes d’études du premier semestre des mastères en informatique appliquée à la FSEGS.

9Faut-il voir dans ce nouvel élément un simple effet de mode, puisque l’unité d’enseignement est également constituée d’un autre élément linguistique intitulé « anglais : préparation au TOEFL et / ou TOEIC », ou une réelle prise de conscience de l’intérêt de préparer les étudiants à passer des tests et à obtenir des diplômes attestant de leurs compétences linguistiques en français pour les besoins des études et / ou du travail ?

10S’ajoutant à d’autres paramètres caractérisant le système éducatif en général et la culture de l’évaluation dans le contexte scolaire et universitaire tunisien, l’intitulé de l’élément « français : préparation à la certification » constituant l’unité d’enseignement « techniques de communication » ne fixe ni le type de certification à adopter ni le nom du test ou du diplôme de langue à préparer par les étudiants des mastères MR-SINT et MP-ASI, contrairement à l’élément « anglais : préparation au TOEFL et / ou TOEIC », ce qui rend encore plus floue la situation des enseignants de français à la FSEGS. En effet, malgré le développement des travaux autour du CECRL et l’apparition de nouveaux modes et outils de plus en plus fiables de la mesure du niveau linguistique des apprenants, ni la certification ni les stratégies de préparation des candidats ne font réellement partie des dispositifs institutionnels de l’évaluation en langues étrangères, ni pour les enseignants ni pour les décideurs de la politique éducative dans le pays.

11L’ensemble de ces observations nous conduit à soulever un nombre d’interrogations que nous formulons ici avant d’émettre nos hypothèses et de présenter les étapes et les résultats de notre expérimentation. S’agissant d’un nouvel ÉCUE intégré aux programmes des deux nouveaux mastères appartenant aux diplômes universitaires issus de la réforme structurelle LMD, trois questions doivent être posées avant la mise en place de l’expérimentation didactique en question.

121. Faut-il opter pour des outils d’évaluation comme les tests permettant de mesurer les quatre compétences communicatives d’un candidat à tous les niveaux de l’échelle du Cadre européen, ou vaut-il mieux sensibiliser le public d’étudiants avancés dans le cursus d’études supérieures à des certifications qui ont une valeur diplômante ?

  • 4 La préparation à la certification en langue française est l’un des projets pilotes initiés par le p (...)

132. Si nous privilégions le second type de certification comme le recommande le programme PREF-SUP4, autrement dit les diplômes de langue française acquis pour la vie et qui dispensent de tout test linguistique les candidats souhaitant s’inscrire dans une université française, une autre question se pose : faut-il centrer l’effort de préparation sur un diplôme officiel, transnational et transversal comme le Diplôme approfondi de langue française (DALF) ou s’orienter vers une certification de type « français de spécialité » comme le DALF sciences ou le Diplôme de français professionnel (DFP) ?

143. Tous les diplômes étant actuellement indexés sur les niveaux du CECRL, quel est donc le niveau de langue affiché par les diplômes auxquels il faut préparer les étudiants inscrits en mastère informatique appliquée à la FSEGS ?

2. Méthodologie

  • 5 Centre international d’études pédagogiques.
  • 6 Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

15À partir de ces trois interrogations, nous supposons qu’une sensibilisation générale aux offres de certification en langue française proposées par deux opérateurs (le CIEP5 et la CCIP6) et qu’une préparation combinée aux épreuves d’un diplôme généraliste, comme le DALF niveau C1 (option sciences), et à celles d’un diplôme spécifique, comme le DFP niveau C1 (spécialité affaires), pourraient constituer le contenu de l’ÉCUE en question et profiter aussi bien aux étudiants des mastères MR-SINT qu’à ceux du mastère MP-ASI. L’hypothèse du niveau C1 des diplômes s’explique ici par le palier avancé dans le cursus d’études des publics ciblés par l’élément de l’unité d’enseignement d’un côté, et par les compétences à communiquer langagièrement (linguistiques, pragmatiques et sociolinguistiques) nécessaires à un étudiant en mastère, de l’autre.

2.1. Participants

16Pour vérifier ces hypothèses, nous avons procédé en deux temps. Tout d’abord, une équipe pédagogique (deux enseignantes de français et nous-même, en tant que coordinateur) a été constituée avant le démarrage du premier semestre de l’année universitaire 2010-2011 pour élaborer le contenu de chaque ÉCUE (voir Annexes 1 et 2) et assurer les quatorze séances d’enseignement pour les deux groupes d’étudiants.

17Nous avons cherché par la suite à recueillir des données confirmant ou infirmant nos hypothèses auprès des participants impliqués dans l’expérimentation didactique (enseignants et étudiants). Pour ce faire, une double enquête a été menée à la fin du semestre auprès des participants grâce à deux instruments méthodologiques différents.

18Une première enquête par entretiens a été menée auprès des deux enseignantes intervenant dans les deux mastères et qui ont coopéré avec nous dans l’ordonnancement des contenus des séances et dans les réponses aux questions. Toutes les deux sont professeurs de français détachées du secondaire, en poste dans l’enseignement supérieur, depuis 2000 pour celle qui a été chargée du groupe d’étudiants en mastère de recherche SINT (Prof. 1) et depuis 1999 pour celle qui s’est occupée du deuxième groupe, autrement dit des étudiants inscrits en mastère professionnel ASI (Prof. 2). Elles avaient chacune au moins une dizaine d’années d’expérience dans l’enseignement du français de spécialité à la FSEGS au moment de l’expérimentation didactique dont nous rendons compte ici.

19Une deuxième enquête par questionnaire a été réalisée auprès des étudiants des deux mastères. Le questionnaire leur a été distribué au cours de la dernière séance de cours (voir Annexe 3). L’objectif était, d’une part, de mettre au jour leurs représentations liées à la certification et à leurs capacités en langue française en général et, d’autre part, d’explorer leurs difficultés dans la préparation des épreuves spécifiques du DALF « sciences » C1 et du DFP « affaires » C1.

2.2. Instruments

20Théoriquement, ce sont les besoins des apprenants qui motivent l’apprentissage et justifient la planification d’unités d’enseignement des langues étrangères dans le cadre des cursus d’études, que ce soit au niveau des licences ou des mastères. D. Coste (1994 : 183) insiste sur cette notion de besoins en précisant que « chaque individu apprend une langue différemment, pour des raisons et avec des motivations, pour des buts et avec des intérêts différents ; c’est la raison pour laquelle il convient de centrer l’enseignement sur l’apprenant, d’abord en analysant, et ensuite en prenant en compte ses besoins langagiers ». Les besoins étant variables, leur analyse dépend toujours du contexte éducatif et du milieu d’enseignement-apprentissage dont il faut tenir explicitement compte avant la mise en place d’une unité d’enseignement ou de l’un de ses éléments constitutifs.

2.2.1. Entretiens

21L’enquête auprès des enseignants a consisté à mener des entretiens avec les deux collègues qui ont coopéré avec nous dans l’expérimentation et assuré l’enseignement de la totalité des séances du semestre – les 14 séances prévues pour chaque groupe d’étudiants inscrits en mastère, recherche ou professionnel, dans le domaine de l’informatique appliquée à la gestion, avec une double préparation à la certification, en langue anglaise (TOEFL / TOEIC) et en langue française (DALF / DFP).

22Le protocole de l’entretien (voir Annexe 4) a porté sur trois points essentiels comportant chacun trois questions. Il s’agissait d’abord de mesurer l’intérêt que présente la question de la certification en général et de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » en particulier, pour la didactique du français de spécialité en milieu universitaire. Le second objectif était d’évaluer la pertinence et la cohérence du programme proposé pour la préparation des étudiants aux diplômes DALF « sciences » et le DFP « affaires ». En dernier lieu, les entretiens avec les enseignantes ont porté sur le niveau visé par les deux certifications retenues pour les besoins de notre expérimentation, en l’occurrence le niveau C1 du CECRL, par rapport aux compétences réelles en langue française des étudiants concernés.

2.2.2. Questionnaire

23Le questionnaire adressé aux étudiants comporte quatre parties. La première est réservée à l’identification de l’étudiant. La deuxième partie est consacrée aux représentations des étudiants quant à la certification en langue en général et la troisième cherche à cerner leur capacité à auto-évaluer leurs compétences en langue française. La dernière partie vise à recueillir leur avis sur les difficultés relatives à la préparation des épreuves des deux diplômes.

  • 7 L’objectif du PEL est de responsabiliser l’apprenant. Toute personne qui apprend ou a appris une la (...)

24L’instrument méthodologique est composé de questions ouvertes et de questions fermées ainsi que d’une grille d’auto-évaluation fondée sur les propositions du CECRL et du Portfolio européen des langues (PEL)7 au niveau de langue visé par les certifications préparées. Nous nous sommes basé sur l’échelle globale du niveau C1 telle qu’elle est précisée dans le CECRL : l’utilisateur-apprenant

peut comprendre une grande gamme de textes longs et exigeants, ainsi que saisir des significations implicites. Peut s’exprimer spontanément et couramment sans trop apparemment devoir chercher ses mots. Peut utiliser la langue de façon efficace et souple dans sa vie sociale, professionnelle ou académique. Peut s’exprimer sur des sujets complexes de façon claire et bien structurée et manifester son contrôle des outils d’organisation, d’articulation et de cohésion du discours. (Conseil de l’Europe 2001 : 25).

25À partir de la grille du CECRL pour l’auto-évaluation, niveau C1 (Conseil de l’Europe 2001 : 27), des descripteurs du CECRL et de ceux élaborés dans le cadre du PEL, nous avons développé la liste des savoir-faire proposée dans le questionnaire adressé aux étudiants. La liste finale intégrée au questionnaire contient vingt items sous forme de savoir-faire, répartis sur les compétences de réception et de production, à l’écrit comme à l’oral, et permettant aux étudiants enquêtés d’auto-évaluer leurs capacités de compréhension, de rédaction et d’interaction en langue française. Dans les lignes qui suivent, nous rendons compte des informations recueillies auprès des étudiants et nous présentons les résultats ainsi que nos interprétations à la lumière des entretiens menés auprès des enseignants.

3. Résultats

26La réponse des deux enseignantes à notre question « Pensez-vous que la préparation des étudiants spécialisés en informatique appliquée à la gestion constitue un objectif spécifique pour l’enseignement du français à la FSEGS ? » conforte l’idée que l’intitulé ainsi que le contenu proposé pour l’ÉCUE, objet de notre expérimentation, pourraient relever d’un enseignement caractéristique du français de spécialité. Les deux enseignantes interviewées considèrent que la préparation à la certification destinée aux étudiants au niveau du mastère se distingue clairement d’un enseignement généraliste de la langue française, en raison de la spécialité des apprenants (informatique appliquée à la gestion), de la spécificité des diplômes préparés (option « sciences » pour le DALF et orientation « affaires » pour le DFP) et du volume horaire réduit dédié à la formation (21 heures sur un seul semestre de l’année universitaire).

27Toutefois, elles affirment que l’ÉCUE « français : préparation à la certification » constitue un cadre propice pour un enseignement spécifique du français, mettent l’accent sur l’aspect novateur de cet élément d’enseignement et signalent que l’évaluation et la certification sont absentes de la formation initiale et continue des enseignants de français. Comme le souligne Prof. 2, qui considère la certification et son intégration aux programmes des mastères comme une découverte pédagogique,

Quand j’étais étudiante en maîtrise de français les cours étaient trop centrées sur les œuvres littéraires et les théories linguistiques. Les questions relatives à l’enseignement n’y figuraient pas. L’évaluation et la certification, par exemple, doivent faire partie des savoir-faire de base des enseignants. Je regrette que les programmes d’études à la faculté des lettres n’aient pas mis l’accent sur ces activités, pourtant fondamentales, aussi bien pour le professeur que pour les étudiants.

28Le deuxième point de l’enquête portait sur le contenu proposé aux deux groupes de mastères. Pour les deux enseignantes, le fait d’opter pour des diplômes de langue et non pour des tests, comme c’est le cas pour l’ÉCUE « anglais : préparation au TOEFL / TOEIC », est un choix judicieux dans la mesure où les tests basés essentiellement sur la reconnaissance d’items, selon le modèle des QCM, ne présentent qu’un faible intérêt pédagogique et risquent de réduire le cours de préparation à la certification en français à une sorte de « bachotage ». Avant même le démarrage des séances du semestre, en consultant les exercices figurant dans les méthodes de français des affaires ainsi que les jeux témoins des épreuves téléchargeables sur les sites du CIEP et de la CCIP, les professeurs chargées des cours de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » ont appuyé nos choix didactiques, la hiérarchisation et la progression des contenus programmés. Lors des entretiens, les enseignantes ont attiré notre attention sur les difficultés rencontrées en classe. Pour elles, le volume horaire global équivalent à 21 heures réparties sur 14 séances d’une heure trente est loin d’être suffisant pour préparer convenablement les étudiants.

29Au lieu d’une double préparation à la certification pour tous, Prof. 1 a suggéré de réserver la préparation du DALF sciences C1 aux étudiants en mastère de recherche SINT et le DFP affaires C1 aux étudiants du mastère professionnel ASI. Cette suggestion, que nous trouvons tout à fait réaliste voire pertinente, parce qu’elle tient compte de la nature de chaque mastère (recherche / professionnel) et des paramètres pédagogiques variés (intérêt pour les étudiants / temps suffisant pour les enseignants), a été prise en considération dès la rentrée 2011-2012.

30Pour le troisième et dernier volet des entretiens, les enseignantes ont été interrogées, d’une part, sur le rapport entre le niveau de langue affiché par les diplômes préparés et indexé sur les échelles du CECRL et, d’autre part, sur le niveau effectif des étudiants inscrits dans les deux mastères. Les deux autres questions adressées aux professeurs portaient sur les difficultés perçues chez les étudiants à préparer les épreuves variées du DALF sciences C1 et du DFP affaires C1. Nous rappelons que le choix du niveau C1 des certifications était motivé par le niveau avancé des études et des exigences langagières qu’implique ce niveau.

31À la lecture des détails des descripteurs du niveau C1, Prof. 1 et 2 pensent qu’un grand nombre d’étudiants, dans les deux mastères, ne sont pas capables de maîtriser parfaitement l’ensemble des éléments recensés, d’autant plus que certains descripteurs du Cadre dépassent la simple compétence de communication. Selon Prof. 2, en production orale, l’activité qui pose le plus de problèmes dans la préparation aux deux types de diplômes concerne la compétence « parler ; prendre part à une conversation ». L’étudiant de niveau C1 peut « utiliser la langue de manière souple et efficace pour des relations sociales ou professionnelles » (Conseil de l’Europe 2001 : 25). C’est à partir du niveau C1 qu’un étudiant serait en mesure d’entreprendre une recherche académique (mastère de recherche SINT) ou d’intégrer le marché du travail (mastère professionnel ASI) grâce aux outils linguistiques, méthodologiques et socioprofessionnels décrits dans les descripteurs du niveau visé par les certifications choisies pour les besoins de l’expérimentation développée dans le cadre de cet article.

32Sur le plan strictement pédagogique, nos deux interlocutrices expliquent que le type d’activité réalisée en classe ainsi que le niveau linguistique des étudiants et leur motivation sont autant de facteurs qui déterminent la réussite des séances de l’ÉCUE qui préparent les étudiants à la passation des épreuves des deux diplômes.

33Concernant la consultation des étudiants, 17 questionnaires du groupe de mastère de recherche SINT et 24 questionnaires du groupe de mastère professionnel ASI ont été dépouillés. Notons que, si la majorité des étudiants enquêtés a obtenu son diplôme de licence à la FSEGS (51 %), le reste de la population est composé de licenciés originaires d’autres composantes de l’université de Sfax : 29 % de l’Institut supérieur d’informatique et de multimédia (ISIMS), ou 2 % de l’Institut supérieur d’études technologiques (ISET), comme le montre le graphique suivant (figure 1).

Figure 1. Répartition des étudiants selon l’institution d’origine

Figure 1. Répartition des étudiants selon l’institution d’origine

34En outre, la répartition selon la section du diplôme de baccalauréat révèle que les spécialités « économie-gestion » et « sciences informatiques » constituent l’assise de la population enquêtée et retenue pour le questionnaire avec respectivement 36,5 % et 27 % du total d’étudiants, contre une présence très faible des autres sections (telle que la section « sciences technologiques » représentée par un seul étudiant), comme le montre le graphique de la figure 2.

Figure 2. Répartition des étudiants selon la section du baccalauréat

Figure 2. Répartition des étudiants selon la section du baccalauréat

35Concernant les représentations que se font les étudiants de la certification en langue d’une façon générale, quatre questions ont été posées. Les deux premières portent sur le format des certifications (test / diplôme) ainsi que sur la connaissance de l’offre de certification proposée par le CIEP (TCF, DALF) et la CCIP (TEF, DFP), les deux dernières demandent aux apprenants de situer les deux diplômes préparés en classe par rapport à leur spécialité universitaire et à leur avenir professionnel. L’analyse des questionnaires retenus montre que certains étudiants sont imprégnés par la culture du « testing » propre à la certification en langue anglaise. 16 étudiants ont répondu TOEFL et 11 ont indiqué TOEIC en réponse à la question n° 6 (partie 2 : la certification en langue). Les réponses à cette même question révèlent également que les étudiants enquêtés ne saisissent pas totalement la différence entre test et diplôme de langue, ce qui nécessite un effort supplémentaire de sensibilisation de la part des enseignants en charge de l’ÉCUE « français : préparation à la certification ».

36Nous remarquons également une ligne de clivage entre les étudiants qui se destinent à la recherche, autrement dit ceux du mastère de recherche SINT, et ceux qui se préparent à intégrer le marché de travail, c’est-à-dire ceux qui sont inscrits en mastère professionnel ASI. Les premiers se sont clairement prononcés pour le DALF sciences alors que les seconds ont opté pour le DFP.

37En examinant les représentations que se font les étudiants de leur maîtrise de la langue française, selon les vingt critères adaptés à partir des descripteurs du CECRL et du PEL, nous constatons que la majorité des enquêtés estime ne pas avoir les capacités décrites dans ces critères. Les auto-évaluations sont certes différenciées, du moins entre les étudiants qui se destinent à la recherche et ceux qui s’orientent vers un parcours professionnel, mais leur point commun est une maîtrise moindre, à leurs yeux, des activités de production de l’écrit et surtout de l’oral. Nous présentons ci-dessous des exemples des critères proposés ainsi que les résultats de l’auto-évaluation des étudiants de leurs propres capacités en matière de compréhension (orale et écrite), d’expression (orale et écrite) et d’interaction orale en français.

38Les vingt critères, correspondant au niveau C1, soumis à l’auto-évaluation des enquêtés, se présentent sous forme de capacité positive (« je peux … ») auxquels les étudiants doivent réagir de trois manières différentes en cochant les cases appropriées, de la maîtrise (« oui, parfaitement ») à la non maîtrise (« non, pas vraiment »), avec une option intermédiaire (« moyennement »).

39Cinq rubriques ont été prévues, couvrant les divers aspects des diplômes préparés (cf. tableaux 1 et 2). Chaque aptitude proposée à l’auto-évaluation par les étudiants des mastères est représentée par quatre descripteurs, selon les exemples ci-dessous.

40- En compréhension orale :
Exemple (item 13) : « Je peux comprendre une conférence, un exposé ou un rapport dans le cadre de mes études, même s’ils sont complexes quant au fond et à la forme ».

41- En compréhension écrite :
Exemple (item 16) : « Je peux extraire des informations, des idées et des opinions de textes relevant de mon domaine de spécialité (par ex., livres, articles, etc.) ».

42- En interaction orale :
Exemple (item 18) : « Je peux participer activement à des discussions, même très animées, entre locuteurs natifs (des français) ».

43- En expression orale :
Exemple (item 24) : « Je peux rapporter oralement quelque chose de façon détaillée, en reliant les points thématiques les uns aux autres, en développant particulièrement certains aspects et en terminant mon intervention de façon appropriée ».

44- En expression écrite :
Exemple (item 29) : « Je peux écrire des lettres formellement correctes, par ex., pour faire une réclamation ou pour prendre position pour ou contre un point de vue ».

Tableau 1. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MR-SINT

Tableau 1. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MR-SINT

Tableau n° 2. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MP-ASI

Tableau n° 2. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MP-ASI

45Les tableaux précédents rendent compte de l’ensemble des réponses données par les étudiants en fonction des aptitudes auto-évaluées, aussi bien pour les étudiants en mastère MR-SINT (sur un total de 68 réponses, soit le nombre de questionnaires retenus, multiplié par quatre, le nombre d’items dans chaque aptitude auto-évaluée) que pour ceux en mastère MP-ASI (sur un total de 96 réponses par sous-rubrique). Les chiffres et les pourcentages présentés dans les deux tableaux montrent que les difficultés avouées par les étudiants se situent plutôt dans les compétences de production en général, et surtout en production et en interaction orales. Les pourcentages élevés dans la colonne « non, pas vraiment », à droite de la pondération et marqués en gras, montrent que la population enquêtée est consciente de ses déficits en langue et de la nature des insuffisances présumées.

46Ce résultat montre les pistes éventuelles d’intervention didactique, ou du moins de contenus à privilégier dans la préparation aux diplômes spécifiques en langue française, qu’ils soient appliqués à un domaine de spécialité académique, comme le DALF sciences du CIEP, ou orientés vers le monde professionnel, comme le DFP affaires de la CCIP. La comparaison entre les données chiffrées des deux tableaux permet de tirer une autre conclusion. En effet, même si le questionnaire s’adresse à une population composée de deux groupes destinés à des carrières différentes, les pourcentages enregistrés par « les étudiants chercheurs » et les « étudiants professionnels » sont très proches. La moyenne des pourcentages, présentée dans la dernière ligne de chaque tableau confirme ce constat et incite à réfléchir sur le niveau de langue visé par les diplômes préparés, qui pourrait être réajusté en fonction du niveau réel des étudiants concernés. Dans un nouveau programme de préparation à la certification, les diplômes indexés sur le niveau B2 du CECRL, plus réaliste et mieux adapté aux compétences des apprenants en mastère, pourraient être préférés à ceux adossés au niveau C1.

47En examinant les réponses des étudiants aux six dernières questions (concernant leurs difficultés dans la préparation des épreuves des deux diplômes), nous constatons que les épreuves de « production orale » (du DALF) et d’« expression orale » (du DFP) sont celles qui posent le plus de problèmes aux apprenants. Dans le classement en fonction du degré de difficulté (du plus facile au plus difficile), la grande majorité des enquêtés a placé les activités orales à la dernière place. Cette représentation globale des activités de préparation à la certification est affinée par deux questions complémentaires (Annexe 3, questions 32 et 35) portant sur les types d’épreuves orales en rapport avec les deux diplômes en question. Pour le diplôme du CIEP, la discussion orale pose plus de problèmes à la majorité des étudiants que l’exposé oral. Pour le diplôme de la CCIP, l’activité « compte rendu oral à partir de documents écrits » est considérée comme plus difficile à préparer que la « présentation orale sur un sujet de spécialité ». Nous pouvons donc conclure que les activités orales les plus complexes et qui nécessitent un savoir-faire de production, d’interaction ou de synthèse sont perçues par la plupart des étudiants constituant la population enquêtée comme les moins abordables, ne serait-ce que dans la phase de préparation.

48Pour ce qui est des activités relevant de l’écrit, ce sont celles axées sur la compréhension (l’épreuve 2 du DALF « compréhension des écrits » et l’aptitude 1 du DFP « compréhension écrite ») qui sont perçues par les étudiants comme les moins difficiles à préparer. En examinant de plus près les types d’écrits proposés par les deux diplômes à préparer (Annexe 3, questions 31 et 34), nous constatons que les étudiants sélectionnent les cases de réponse correspondant aux écrits qui leur sont les plus familiers et qu’ils ont déjà rencontrés dans leurs études secondaires comme l’essai argumenté (dans les épreuves du DALF « sciences ») ou dans le cadre des cours de « Techniques de communication » (T2C) intégrés aux programmes des licences, comme la rédaction d’une lettre commerciale (dans les épreuves du DFP « affaires »).

49Enfin, comme pour la deuxième partie du questionnaire, l’appartenance à un type de mastère, professionnel ou de recherche, conditionne le choix du diplôme qui parait le plus facile à préparer aux yeux des apprenants. En réponse à la dernière question de l’enquête (Annexe 3, quatrième partie, question 36), plus des trois quarts des étudiants en MR-SINT ont coché la première case, celle consacrée au DALF « sciences ». L’autre groupe, les étudiants inscrits en MP-ASI, ont plutôt choisi la deuxième possibilité de réponse, autrement dit la case correspondant au DFP affaires. Le choix des enquêtés corrobore la suggestion de Prof. 1, que nous avons évoquée et approuvée dans le compte rendu de l’enquête auprès des enseignantes qui interviennent dans l’enseignement de l’ÉCUE « français : préparation à la certification ».

4. Discussion

50Si nous admettons que l’évaluation, et par conséquent la certification, sont loin d’être idéologiquement neutres (Springer 2001), l’intégration d’une unité d’enseignement consacrée à la préparation à la certification en langues étrangères dans les programmes du mastère de recherche SINT et du mastère professionnel ASI n’est pas anodine et peut être interprétée au moins à deux niveaux.

51Au niveau institutionnel, il parait évident que l’adoption d’un nouveau système dans l’enseignement supérieur tunisien, en l’occurrence le système LMD, et la nécessité de maîtriser les langues étrangères par les nouveaux diplômés posent avec acuité la question de l’enseignement en milieu universitaire des langues en général et surtout de celles apprises à des fins spécifiques. Après les programmes des licences fondamentales et appliquées, ce sont les programmes de mastères professionnels et de recherche qui intègrent des unités d’enseignement consacrées au perfectionnement en langues étrangères (essentiellement l’anglais et le français), souvent avec des intitulés, des objectifs et des contenus variés.

52Sur le plan didactique, il est clair que l’introduction dans l’université tunisienne de la préparation à la certification dans le champ de l’enseignement des langues en général, particulièrement de l’enseignement du français, constitue, ne serait-ce que par son intitulé, un aspect novateur et fait appel à la créativité pédagogique des enseignants en poste dans les établissements universitaires. Si l’innovation consiste à introduire un contenu nouveau dans un contexte bien établi et se traduit sur le terrain par des expériences portées par des équipes d’enseignants en fonction des unités programmées et du public visé, nous pensons alors que l’expérimentation de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » destiné aux étudiants en mastères MR-SINT et MP-ASI constitue un moyen de s’adapter à la nouvelle donne institutionnelle en proposant des réponses didactiques appropriées. Celles-ci visent l’amélioration de l’apprentissage grâce à une transformation des pratiques d’enseignement et des parcours de formation suggérés. Cela nous permet de qualifier l’expérimentation d’innovante sur les plans didactique et pédagogique.

53Pour nos collègues anglicistes, avec qui nous partageons l’unité d’enseignement « techniques de communication » à la FSEGS, l’ÉCUE « anglais : préparation au TOEFL / TOEIC » est explicite et on peut y voir l’effet de l’évaluation en langue anglaise fortement marquée par la culture du « testing » nord-américaine. Le TOEFL, par exemple, qui est un test et non un diplôme est, pour diverses raisons, choisi par beaucoup d’universités et de grandes écoles pour la sélection des étudiants à l’international. Quant à l’ÉCUE « français : préparation à la certification », c’est l’absence de précision quant au test ou au diplôme de langue qui nous a conduit à prévoir l’expérimentation dont nous avons présenté les étapes et les résultats. Notre choix s’est finalement porté sur deux diplômes spécifiques, le DALF « sciences » C1 et le DFP « affaires » C1.

54Comme nous l’avons précisé plus haut, la certification et la préparation à la certification de langue française existent bel et bien dans le paysage didactique tunisien, mais leur implantation dans l’enseignement supérieur ne va pas de soi. Les étudiants ne sont pas informés systématiquement de l’offre de certification généraliste, comme les tests de niveau, ou spécifique, comme les diplômes de spécialité ou professionnels, et leurs enseignants de français ne sont pas formés aux approches de l’évaluation et de l’auto-évaluation. Plusieurs autres sujets de réflexion subsistent, concernant les étudiants, les enseignants et le contexte lui-même.

55Pour les premiers, sans évoquer la question du coût de passation des tests ou des diplômes, l’interrogation principale porte sur les apports de la préparation et sur l’obtention d’un test ou d’un diplôme de langue française. Quel intérêt pour les étudiants ? La certification envisagée servira-t-elle plus pour la poursuite des études ou dans l’exercice d’un métier ? Par ailleurs, selon leur niveau d’études, quels sont leurs besoins en français à court terme, à long terme, et est-ce que la préparation à la certification les aide à y répondre effectivement ? Quant aux besoins spécifiques en langue, pour quel diplôme faut-il opter ? S’agit-il de choisir selon la spécialité universitaire ou en fonction des débouchés professionnels ?

56En ce qui concerne les enseignants, il est évident que l’expérimentation développée ici met au jour plusieurs autres points de réflexion. D’une part, la préparation optimale pour un test ou un diplôme de français nécessite une recherche préalable dans des ressources multiples et variées pour structurer le contenu de l’unité d’enseignement en fonction de la spécialité, du profil et des besoins des étudiants et des attentes institutionnelles et professionnelles. D’autre part, une expérimentation comme celle présentée ici doit reposer sur le travail d’une équipe formée d’enseignants volontaires qui partagent une approche de l’enseignement du français de spécialité centrée sur l’apprenant et tournée vers la communication académique et professionnelle, dans une optique d’enseignement où les notions de savoir et de savoir-faire occupent une place centrale.

57Par ailleurs, nous pouvons dire qu’une intégration généralisée et fructueuse de la préparation à la certification en langue française aux programmes des mastères et même des licences suppose une réflexion approfondie sur le contexte éducatif tunisien en général et sur le milieu universitaire en particulier. Dans l’enseignement supérieur précisément, il faut penser à gérer la diversité : quelles certifications spécifiques pour quelles disciplines et pour quel cycle d’études ? Selon quels besoins et quelles attentes, académiques ou professionnels, doit-on programmer ces unités d’enseignement ? Comment les différents acteurs – enseignants de français, enseignants des spécialités, professionnels et responsables administratifs – envisagent-ils la sensibilisation des étudiants à l’intérêt de la certification, les représentations des apprenants et leur auto-évaluation ainsi que leurs difficultés à préparer un test ou un diplôme de langue française ? Quels contenus faut-il choisir pour composer les unités d’enseignement ou les éléments qui les constituent ? Le programme que nous avons présenté dans le cadre de cet article (Annexes 1 et 2), est-il réaliste et profitable pour les étudiants auxquels il est destiné ?

58Enfin existe-t-il actuellement une réelle politique linguistique (en dehors de celle instaurée par le projet PREF-SUP pour les écoles d’ingénieurs), précisant des objectifs tangibles, spécifiant des moyens appropriés aussi bien pour les étudiants (moyens d’information actualisée) que pour les enseignants de français (dispositifs de formation continue) et permettant une généralisation d’une « culture de certification en langue » ? La préparation à la certification en langue française a sans doute un rôle à jouer dans la nouvelle configuration de l’enseignement supérieur tunisien après l’adoption du système LMD, à condition d’être bien réfléchie et bien intégrée aux programmes d’enseignement.

Conclusion

59Au terme de cet article, nous pensons que la décision de créer un enseignement centré sur la préparation à la certification en langue française est doublement bénéfique du point de vue institutionnel et didactique, même si l’intitulé de l’unité d’enseignement ne précise pas le type ou le nom du test ou du diplôme à préparer. Ce type d’enseignement permet aux enseignants, d’une part, de réadapter leurs propositions didactiques d’entraînement aux examens en fonction du niveau des apprenants et de leurs difficultés en langue et, d’autre part, de varier leurs pratiques pédagogiques et d’offrir aux étudiants la possibilité de passer et d’obtenir des certifications leur permettant de faire valoir leurs compétences linguistiques pour accéder à la mobilité étudiante et professionnelle.

60Concernant le contenu proposé pour la préparation à la certification de langue française, rappelons qu’il a été mis en place après un certain nombre d’observations faites sur le terrain, d’interrogations soulevées et d’hypothèses formulées à propos de l’ÉCUE « français : préparation à la certification ». Le dispositif en question a été conçu et expérimenté dans le cadre des mastères MR-SINT et MP-ASI et a fait l’objet d’une double enquête auprès des étudiants et des enseignantes qui ont assuré les 14 séances d’enseignement durant le premier semestre 2010-2011. Malgré les difficultés inhérentes à son application, rapportées aussi bien par les apprenants que par leurs professeurs, ce type d’enseignement est, à notre avis, un bon moyen pour valoriser l’enseignement du français de spécialité à un niveau avancé dans le supérieur.

  • 8 Le C2i est une certification qui atteste de compétences dans la maîtrise des outils informatiques e (...)

61Nous proposons une généralisation de ce que l’on pourrait appeler la « culture de certification » en langue française dans le contexte tunisien. Dans le milieu universitaire tunisien, une dynamique de préparation à la certification est actuellement en train de caractériser plusieurs unités d’enseignement transversal ou leurs éléments constitutifs au niveau des licences, comme l’informatique avec le C2i8, l’anglais avec le TOEFL ou le TOEIC, ou encore la gestion avec le certificat en « culture entrepreneuriale ». Nous pensons donc que cette même dynamique pourrait toucher également l’enseignement du français de spécialité dans les programmes des licences.

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Bibliographie

Bronckart, J.-P. 1989. « Du statut des didactiques des matières scolaires », Langue française, n° 82 : 53-66.

Cahiers de l’Asdifle. 2012. « Évaluations et certifications. Actes des 47e et 48e Rencontres, Paris, mars 2011 – Saint-Étienne, octobre 2011 ».

Conseil de l’Europe. 2001. Un cadre européen commun de référence pour l’apprentissage et l’enseignement des langues. Paris : Didier.

Coste, D. (dir.). 1994. Vingt ans dans l’évolution de la didactique des langues (1968-1988). Langues et apprentissage des langues. Paris : Didier-CRÉDIF.

Cuq, J.-P. (dir.). 2003. Dictionnaire de didactique du français. Paris : CLÉ International.

Ministère de l’enseignement supérieur tunisien. 2009. La note de cadrage pour l’établissement du diplôme de mastère dans le cadre du système LMD. http://www.mes.tn/francais/divers/circulaire/circu2009/circu19/note_cadrage.pdf (consulté le 15 juin 2010).

Robert, J.-P. 2008. Dictionnaire pratique de didactique du FLE, 2e édition. Paris : Éditions Ophrys. Collection « L’Essentiel français ».

Springer, C. 2001. « Une approche pragmatique de la certification, est-elle possible pour le CLES ? ». ASp n° 34 [en ligne], mis en ligne le 21 septembre 2010. URL : http://asp.revues.org/1976 (consulté le 29 mars 2011).

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Annexe

Annexe 1. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 1-7)

Annexe 1. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 1-7)

Annexe 2. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 8-14)

Annexe 2. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 8-14)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (I-II)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (I-II)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (III)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (III)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (IV)

Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (IV)

Annexe 4. Protocole d’entretien avec les enseignants

Annexe 4. Protocole d’entretien avec les enseignants
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Notes

1 Voir La note de cadrage pour l’établissement du diplôme de mastère dans le cadre du système LMD, Ministère de l’enseignement supérieur tunisien, Tunis 2009.

2 Voir sur la question le numéro récent des Cahiers de l’ASDIFLE paru en 2012, « Évaluations et certifications ».

3 Circulaire consultable à l’adresse www.mes.tn/francais/divers/circulaire/circu2010/circu34.pdf. Le document ministériel est en langue arabe, c’est nous qui en reformulons le contenu.

4 La préparation à la certification en langue française est l’un des projets pilotes initiés par le programme de coopération tuniso-français PREF-SUP, « Projet de rénovation de l’enseignement du français et en français dans le supérieur ».

5 Centre international d’études pédagogiques.

6 Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

7 L’objectif du PEL est de responsabiliser l’apprenant. Toute personne qui apprend ou a appris une langue peut y consigner ses connaissances linguistiques et ses expériences culturelles, de manière à réfléchir sur son apprentissage.

8 Le C2i est une certification qui atteste de compétences dans la maîtrise des outils informatiques et des réseaux.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Répartition des étudiants selon l’institution d’origine
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Titre Figure 2. Répartition des étudiants selon la section du baccalauréat
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Titre Tableau 1. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MR-SINT
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Titre Tableau n° 2. Résultats de l’auto-évaluation des étudiants en mastère MP-ASI
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Fichier image/png, 61k
Titre Annexe 1. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 1-7)
URL http://journals.openedition.org/apliut/docannexe/image/3061/img-5.png
Fichier image/png, 86k
Titre Annexe 2. Contenu de l’ÉCUE « français : préparation à la certification » (Séances 8-14)
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Titre Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (I-II)
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Titre Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (III)
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Titre Annexe 3. Questionnaire adressé aux étudiants (IV)
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Titre Annexe 4. Protocole d’entretien avec les enseignants
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Pour citer cet article

Référence papier

Mohamed Msalmi, « Préparation à la certification en français dans le contexte universitaire tunisien. Quels dispositifs spécifiques pour les étudiants en mastère ? »Recherche et pratiques pédagogiques en langues, Vol. XXXI N° 3 | 2012, 63-86.

Référence électronique

Mohamed Msalmi, « Préparation à la certification en français dans le contexte universitaire tunisien. Quels dispositifs spécifiques pour les étudiants en mastère ? »Recherche et pratiques pédagogiques en langues [En ligne], Vol. XXXI N° 3 | 2012, mis en ligne le 28 octobre 2012, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/apliut/3061 ; DOI : https://doi.org/10.4000/apliut.3061

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Auteur

Mohamed Msalmi

Mohamed Msalmi est enseignant de français à l’Université de Sfax, actuellement en poste à la Faculté des lettres et des sciences humaines, auparavant à la Faculté des sciences économiques et de gestion. Sa recherche porte sur la didactique des disciplines ; il termine une thèse sur la didactique du français sur objectifs spécifiques (FOS) dans le contexte tunisien. Il est secrétaire général de l’Association tunisienne pour la pédagogie du français (ATPF), Bureau régional de Sfax.
mohamed.msalmi@isefc.rnu.tn

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