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Actualité internationale
Le point sur l’actualité internationale en éducation

Les mobilités internationales dans l’enseignement supérieur

Bernadette Plumelle
p. 15-19

Texte intégral

  • 1  Les chiffres cités dans l’article sont issus de Chiffres clés : la mobilité étudiante dans le mond (...)

1En 2019, le nombre d’étudiants qui étudient à l’étranger a dépassé six millions, en augmentation de 35 % en cinq ans. Trois pays anglophones sont en tête des mobilités entrantes : les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni. Pour la mobilité sortante, environ deux étudiants sur trois sont originaires d’Asie-Océanie (39 %) ou d’Europe (24 %) ; 9 % viennent des Amériques, 9 % d’Afrique et 8 % du Moyen-Orient1.

2Le marché de l’éducation est très concurrentiel à l’échelle mondiale. Pour un pays, le nombre d’étudiants internationaux est un signe de l’attractivité de son système d’enseignement, choisi pour la qualité de sa formation, la notoriété de ses diplômes et pour ses valeurs. Au niveau économique, les étudiants en mobilité génèrent des revenus massifs pour les territoires et les établissements qu’ils fréquentent.

3Récemment, les tensions politiques entre les grandes puissances, le Brexit puis la pandémie de Covid-19 ont influé sur l’internationalisation de l’enseignement supérieur (ES) et créé de nouvelles orientations. Cet article offre un aperçu de ses évolutions dans les pays occidentaux, en Asie et en Afrique.

L’attractivité des universités occidentales

  • 2  302 900 étudiants étrangers en mobilité internationale en 2021-2022 ; effectif en hausse de 8,8 % (...)
  • 3  La cohorte de première année 2018-2019 des étudiants internationaux devrait apporter un bénéfice n (...)
  • 4UK Parliament, International and EU students in UK higher education, 2022.

4L’Europe est la première zone d’accueil des étudiants en mobilité dans le monde et la deuxième région d’origine ; les étudiants européens partant en mobilité restent très majoritairement sur le continent (88 % de mobilité en 2019-2020). Trois pays se distinguent dans le palmarès des pays d’accueil dans l’Europe de l’Ouest : le Royaume-Uni (3e), l’Allemagne (4e) et la France (7e)2. Les principaux pays de l’Union européenne ont réussi à limiter les effets de la crise de la Covid-19 sur les mobilités étudiantes, qui ont atteint en 2021 des niveaux supérieurs à 2019. Au cours des trente dernières années, le recrutement d’étudiants étrangers payant des frais complets a été l’une des priorités des universités de plusieurs pays anglo-saxons. C’est le cas du Royaume-Uni, où les frais d’inscription des étudiants étrangers financent en partie les universités3. En 2020-2021, on enregistre 584 100 étudiants étrangers, soit une baisse de 40 %, due au Brexit, du nombre d’étudiants venus de l’Union européenne, baisse compensée par l’augmentation de candidats non européens et dont l’effectif le plus important vient de Chine (97 000). Le gouvernement britannique4 veut pousser les exportations d’éducation à 35 milliards de livres sterling par an d’ici 2030, mais certains analystes considèrent qu’il est dangereux pour les universités britanniques de trop dépendre des frais d’inscription des étudiants étrangers.

5En Amérique du Nord, les revenus générés par les étudiants étrangers ont été évalués à plus de 40 milliards de dollars pour l’année 2019-2020. Les États-Unis, premier pays en matière de mobilité entrante, ont accueilli cette même année plus d’un million d’étudiants étrangers5. Le Canada occupe la sixième place, avec une progression spectaculaire du nombre d’étudiants accueillis en dix ans (+ 192 %). En Océanie, jusqu’en 2020, l’Australie et la Nouvelle-Zélande accueillaient les plus fortes proportions d’étudiants internationaux au monde, avec 32 % de l’ensemble des étudiants dans les universités australiennes et 16 % en Nouvelle-Zélande (2019), ce qui a représenté respectivement la quatrième et la cinquième industrie d’exportation de ces pays.

6En Europe, la crise sanitaire a eu des effets modérés sur les mobilités étudiantes, contrairement à l’Amérique du Nord et à l’Australasie, où le nombre d’étudiants étrangers a fortement chuté en raison de la fermeture des frontières. En Australie, la mobilité a été stoppée de mars 2020 à décembre 2021, entraînant une chute de 21 % du nombre d’étudiants étrangers ; cette baisse s’est poursuivie (– 34 %) au cours de l’année suivante. Le nombre d’étudiants internationaux aux États-Unis a diminué de 17 % en 2020, entraînant une perte de près de 10 milliards de dollars. L’année suivante a connu une reprise de plus de 8 %, sans retrouver le niveau d’avant la pandémie. Pour tous ces pays anglo-saxons, l’équilibre budgétaire d’établissements d’enseignement supérieur qui dépendent des revenus des étudiants internationaux a été fortement dégradé, remettant en cause leur modèle de développement.

7Du fait de tensions géopolitiques, les mobilités de certaines nationalités se sont réduites et/ou en partie réorientées. La décision de Donald Trump, en 2017, d’interdire aux ressortissants de plusieurs pays du Moyen-Orient l’entrée aux États-Unis a eu des répercussions sur le nombre d’étudiants étrangers. Au Canada, la détérioration des relations avec l’Arabie saoudite a altéré les flux de mobilité étudiante des pays du Moyen-Orient. En matière économique, l’un des différends géopolitiques les plus visibles porte sur la relation entre les pays occidentaux et la Chine. Les gouvernements occidentaux ont considéré leurs universités scientifiques comme des lieux « sensibles » susceptibles de vol de propriété intellectuelle. Avant le conflit commercial actuel entre les pays occidentaux et la Chine, les étudiants chinois représentaient 40 à 60 % des étudiants internationaux en Amérique du Nord, 40 % en Australie et 50 % en Nouvelle-Zélande. Les étudiants de nationalité chinoise représentent encore les plus forts contingents de mobilité entrante dans les pays occidentaux mais les chiffres stagnent ou sont en baisse en 2020-2021, comme aux États-Unis (– 14,4 %) ou en Australie (– 11,9 %).

Une réorientation des flux de mobilité en Asie

8Pour les grandes puissances occidentales et asiatiques, les universités sont les moteurs de l’économie de la connaissance du xxie siècle et la concurrence pour attirer les étudiants s’est intensifiée à l’échelle du monde. Pour l’Union européenne, l’enjeu est de capter une mobilité intra-européenne en plein redéploiement (en raison du Brexit) ; l’Amérique du Nord et l’Australasie cherchent à diversifier la provenance géographique des étudiants étrangers.

9Les Asiatiques constituent le plus gros contingent d’étudiants en mobilité internationale mais les pays de cette zone, au premier chef la Chine et l’Inde, développent des politiques d’incitation sur le long terme pour une « internationalisation à domicile » afin de permettre aux meilleurs étudiants de rester étudier dans leur pays ou, pour les étrangers, de venir étudier dans le pays ou la région. Cette politique connaît de premiers résultats. En matière de mobilité entrante, la plupart des pays d’Asie ont connu des progressions importantes en tant que pays d’accueil ces dernières années. C’est le cas de la Chine (+ 13 %), du Japon (+ 17 %) et de la Corée du Sud (+ 17 %). La mobilité interrégionale est plus importante, 38 % des étudiants d’Asie-Océanie partis en mobilité étant restés sur le continent en 2019, contre 34 % en 2014.

  • 6  La Chine compte sept universités dans le top 100 du classement mondial des universités 2023 du Tim (...)
  • 7  P.-L. Gauthier, « Asie : une nouvelle “route de la soie” du savoir », Revue internationale d’éduca (...)

10En 2018, avec le projet Double First-Class University, la Chine visait à développer un certain nombre d’universités et de disciplines de classe mondiale d’ici 2050. En 2022, il y a 147 universités de ce type et le nombre d’établissements d’enseignement supérieur chinois figurant dans les palmarès des universités (classement de Shanghaï, QS World University Rankings et Times Higher Education World University Rankings) a augmenté rapidement en quelques années6. Le gouvernement chinois a autorisé l’installation de campus étrangers sur son sol et des institutions multi-campus se sont multipliées, gérées conjointement par les parties prenantes. Par ailleurs, la Chine a noué des partenariats avec ses voisins en Asie du Sud-Est et en Asie centrale, sur la base de l’initiative de la nouvelle route de la soie (2013)7. Ces politiques produisent des effets : le plus grand nombre d’étudiants en Chine, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour et en Malaisie viennent de pays asiatiques de la région.

11De son côté, l’Inde a modifié son cadre législatif pour faciliter l’installation sur son sol de prestigieuses universités figurant parmi les cent meilleures du monde, leur accordant une dispense spéciale en matière de réglementation, de gouvernance et de normes de contenu. Par ailleurs, un programme a été lancé, Institutions of Eminence, afin de renforcer des établissements supérieurs indiens, publics et privés, pour les aider à devenir des institutions d’enseignement et de recherche de classe mondiale.

La diversification des mobilités en Afrique

  • 8  Campus France, « La mobilité internationale des étudiants africains », Les Notes, novembre 2017. h (...)

12L’Afrique représente environ un étudiant mobile sur dix dans le monde, avec un taux de mobilité deux fois plus élevé que la moyenne mondiale8 et le nombre d’étudiants africains qui partent se former à l’étranger ne cesse de progresser. Ils sont près de 550 000 (2021-2022), avec une diversification accrue des destinations d’études. En 2015, la France, les États-Unis et l’Afrique du Sud attiraient près de 40 % de ces étudiants, chiffres en baisse au profit d’autres pays d’accueil : au Moyen-Orient, particulièrement l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ; l’Ukraine, l’Inde et la Chine. Ce dernier pays accueille des contingents toujours plus importants d’étudiants venus d’Afrique. Selon le ministère chinois de l’éducation, plus de 81 000 étudiants africains étudiaient en Chine en 2018, contre 49 792 en 2015.

13Par ailleurs, la mobilité intracontinentale des étudiants africains progresse. En 2015, les pays les plus recherchés étaient l’Afrique du Sud, le Ghana, le Maroc et la Tunisie. Pour continuer sur cette voie et limiter ainsi les « fuites de cerveaux », les autorités politiques en Afrique cherchent à favoriser cette mobilité intracontinentale, avec l’appui des programmes de coopération internationale. La Banque mondiale et les gouvernements participants ont lancé le programme des centres d’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique, avec plus de quarante centres en Afrique occidentale et centrale. En 2019, cinq centres d’excellence pour chaque région ont été approuvés par les chefs d’État africains. Durant les deux dernières décennies, les échanges académiques et les partenariats entre les universités africaines se sont développés et ces dernières années, un nombre croissant d’étudiants africains ont choisi de suivre leurs études dans certaines universités de la région. Enfin, la pandémie de la Covid-19 a représenté un tournant important pour l’enseignement supérieur africain, qui a développé l’usage des technologies numériques et l’enseignement à distance au sein des universités, créant ainsi de nouvelles dynamiques.

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14Les grands pôles économiques rivalisent pour renforcer leur attractivité, affirmer leur soft power et se positionner aux meilleures places dans la suprématie des savoirs scientifiques. Il ne faudrait pourtant pas oublier la responsabilité des universités dans la résolution des défis sociaux et environnementaux, comme l’indique l’Association européenne des universités (UEA) :

Les universités ne sont pas seulement des producteurs de connaissances pour elles-mêmes et des contributeurs à la compétitivité ; elles sont aussi des vecteurs d’échanges culturels et interculturels, de débats critiques et d’inclusion sociale9.

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Notes

1  Les chiffres cités dans l’article sont issus de Chiffres clés : la mobilité étudiante dans le monde, Campus France, juin 2022, https://bit.ly/3FHoycD

2  302 900 étudiants étrangers en mobilité internationale en 2021-2022 ; effectif en hausse de 8,8 % par rapport à 2020-2021. DEPP, Repères et statistiques, 2022, https://bit.ly/3A39QJx

3  La cohorte de première année 2018-2019 des étudiants internationaux devrait apporter un bénéfice net de 25,9 milliards de livres sterling au Royaume-Uni. London Economics, septembre 2021.

4UK Parliament, International and EU students in UK higher education, 2022.

5  Données publiées par l’organisme américain Opendoors. https://bit.ly/3FF3mUu/

6  La Chine compte sept universités dans le top 100 du classement mondial des universités 2023 du Times Higher Education contre six en 2021 et seulement deux en 2017. https://bit.ly/3NA2N0q

7  P.-L. Gauthier, « Asie : une nouvelle “route de la soie” du savoir », Revue internationale d’éducation de Sèvres, no 84, septembre 2020. https://doi.org/10.4000/ries.9812

8  Campus France, « La mobilité internationale des étudiants africains », Les Notes, novembre 2017. https://bit.ly/3tdzd7D

9En février 2021, l’UEA a publié Universities without walls: A vision for 2030. https://bit.ly/3h9f4g3

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernadette Plumelle, « Les mobilités internationales dans l’enseignement supérieur »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 91 | 2022, 15-19.

Référence électronique

Bernadette Plumelle, « Les mobilités internationales dans l’enseignement supérieur »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 91 | décembre 2022, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ries/13156 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.13156

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Auteur

Bernadette Plumelle

Bernadette Plumelle est ingénieure de recherche (H) et membre du comité de rédaction de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Courriel : bernadette.plumelle[at]hotmail.fr

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