1Depuis la fin des années 1990, dans l’ensemble de la francophonie, les recherches effectuées dans le domaine de la didactique de l’oral ont permis des avancées importantes. Cela a permis entre autres de mettre en lumière des courants de l’oral (oral par les genres, oral pragmatique, oral intégré, oral réflexif). Des débats ont également eu lieu, dont certains concernant l’oral comme objet intégré ou comme objet autonome (Dolz, 2004 ; Schneuwly, 1996/1997) et d’autres sur l’unité de travail en classe (le genre, l’acte de parole, la conduite discursive) (Maurer, 2001). Il est donc possible d’affirmer qu’une évolution dans le champ de la didactique de l’oral a eu lieu, mais nombre de problèmes demeurent actuellement : l’élaboration d’une progression des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral en fonction du développement des élèves reste difficile (Dumais, 2012), les activités en classe de français portent majoritairement sur l’écrit et la lecture au détriment de l’oral (Chartrand & Lord, 2013 ; Eriksson & de Pietro, 2011), les enseignants s’intéressent davantage au produit de l’oral qu’au processus lui-même (Chiriac, 2013 ; Gagnon, 2010), etc. Un autre des problèmes peut être considéré comme une zone d’ombre majeure de la didactique de l’oral (Eriksson & de Pietro, 2011 ; Nonnon, 1999). Il s’agit de la définition même de l’objet de cette didactique, c’est-à-dire une description précise de ce qu’est l’oral et de ses objets d’enseignement/apprentissage. Tant que l’oral ne sera pas clairement défini, son enseignement et son évaluation par les praticiens demeureront source de questionnement et de difficulté (Dumais, 2014). Cette contribution s’intéresse donc à cette zone d’ombre et propose une typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral qui pourrait répondre, du moins en partie, à ce besoin de description et de caractérisation de ce qu’est l’oral.
2À l’école, notamment en classe du primaire, lorsque les enseignants souhaitent enseigner l’oral, ils sont confrontés à un problème majeur. L’objet même de leur enseignement, c’est-à-dire l’oral, est difficile à saisir et ils connaissent peu ses spécificités (Chiriac, 2013 ; Garcia-Debanc, 2004). Ils ont aussi de la difficulté à nommer et à identifier précisément les objets de l’oral à enseigner et à faire apprendre aux élèves (Lafontaine, 2001). Les programmes d’études sont peu aidants puisque l’oral y est rarement défini ainsi que ses objets. Les objets présents sont souvent limités et lorsqu’ils sont définis, c’est habituellement de façon restreinte ou ambigüe (Dumais, 2014 ; Simard, Dufays, Dolz & Garcia-Debanc, 2010). De plus, lorsque des objets de l’oral sont enseignés et évalués, ce sont principalement les objets structuraux de la langue orale laissant de côté ceux tenant compte de la situation de communication (la partie pragmatique de l’oral) (Bernicot & Bert-Erboul, 2009 ; Maurer, 2001 ; Nolin, 2013). Enfin, les liens entre l’oral et l’écrit ainsi que les particularités de chacun sont peu connus des enseignants (Messier, 2004 ; Simard et al., 2010), ce qui peut occasionner des attentes irréalistes auprès des élèves et des interventions abusives ou insuffisantes quant à la langue orale de ces derniers.
3Actuellement, chercheurs et praticiens n’ont pas accès à une classification précise des objets de l’oral. La définition même de l’oral reste floue (Plane, 2004) et ses composantes, c’est-à-dire ses objets d’enseignement/apprentissage, ne sont pas clairement définies et accessibles (Dumais, 2012). Peu de recherches se sont attardées à définir l’oral et les quelques travaux existants semblent incomplets et difficiles d’accès pour les enseignants. Un important travail doit donc être fait afin de combler cette zone d’ombre de la didactique de l’oral.
- 1 Nous entendons par « apprentissage explicite » un apprentissage où l’élève est clairement informé q (...)
4À leur entrée à l’école primaire, les enfants ont acquis, pour la plupart, les bases de leur langue maternelle à l’oral (Plessis-Bélair, 2010). Ils sont en mesure d’exprimer leurs besoins, de dire ce qu’ils ressentent, etc. Cela se révèle cependant insuffisant pour assurer une maitrise de la langue orale. C’est le rôle de l’école d’amener les élèves à maitriser leur langue (Péroz, 2010) et à prendre une certaine distance face à la langue qu’ils utilisent afin de mieux la comprendre (Plessis-Bélair, 2010). Même si l’essentiel des aspects structuraux (syntaxe, morphologie, etc.) du langage des élèves est acquis autour de cinq ans (Colletta, 2004 ; Plessis-Bélair, 2010), un apprentissage explicite1 de la langue orale doit être fait en lien avec ces aspects et en ce qui concerne la pragmatique. Le volet structural, qui concerne le code de la langue (Coquet, 2005), et le volet pragmatique, qui concerne le rapport entre le code et les paramètres de la situation de communication (Bernicot, 2000 ; Dardier, 2004 ; Kail, 2012), doivent continuer d’être développés (Nonnon, 1999). L’élève doit donc enrichir son vocabulaire, il doit perfectionner ou maitriser certains aspects des phrases complexes, il doit apprendre à tenir compte de la situation de communication et à s’adapter à elle, etc. (Bernicot & Bert-Erboul, 2009 ; Dolz, 2004). Le développement de la langue orale ne réside donc pas seulement dans les aspects structuraux de la langue, mais aussi dans le volet pragmatique, plus précisément « […] dans le contexte de la communication et dans le rapport entre la structure des énoncés et le contexte de la communication » (Bernicot, 2000, p. 47). Au fil de la scolarité et pour le reste de sa vie, l’élève développera sa compétence à l’oral et apprendra à utiliser la langue orale en fonction de la situation de communication (Coquet, 2005). L’apprentissage de la langue orale nécessite du temps et se fait sur une longue période (Bernicot & Bert-Erboul, 2009).
5Pour Vygotski, il y a un lien essentiel entre enseignement et développement, ce qui l’oppose aux théories donnant la responsabilité seule à l’élève de construire ses savoirs ou prétextant devoir attendre que l’enfant soit prêt à les construire (Chartrand & De Koninck, 2009). L’enseignement ne peut être véritablement efficace que lorsqu’il va au-devant du développement de l’enfant et qu’il « travaille sur des savoirs et adresses dont les bases psychiques ne sont pas encore développées, ne sont pas encore arrivées à maturité » (Schneuwly, 2008, p. 47). Rappelons que dans la théorie du développement de Vygotski, à la différence de Piaget, l’apprentissage précède le développement, et ce, à la condition que l’expérience d’apprentissage sollicite les capacités situées dans la zone proximale de développement et que l’apprenant soit guidé dans son apprentissage. Cette guidance, proposée par Bruner (1983), donne à l’enseignant un rôle majeur à jouer dans l’apprentissage des élèves (Chiss, 2000). C’est à lui que revient la responsabilité de confronter les élèves à de nouvelles réalités, à de nouveaux apprentissages ou à leur approfondissement. Il doit permettre « un apprentissage progressif d’un corps de connaissances formelles spécifiques contribuant au développement intellectuel et socioaffectif des élèves » (Chartrand, 2008, p. 5). L’enseignant doit précéder ses élèves en planifiant et en préparant l’enseignement (Chartrand & De Koninck, 2009). Afin que les élèves puissent développer leur compétence à l’oral tout au long de leur scolarité, un enseignement de l’oral s’avère essentiel. L’enseignant doit donc mettre en place des dispositifs, favoriser certains contextes de prises de parole ou profiter de certaines occasions en classe pour travailler la langue orale (Chiriac, 2013 ; Lafontaine, 2001). Pour cela, il est nécessaire qu’il ait une connaissance de l’oral et de ses objets d’enseignement/apprentissage.
- 2 Nous avons fait le choix de joindre « enseignement » et « apprentissage » dans l’expression « objet (...)
6Nous entendons par objet d’enseignement/apprentissage2 de l’oral une unité décomposable en éléments qui constituent d’autres objets d’enseignement/apprentissage (Lafontaine & Dumais, 2014 ; Schneuwly, 2009). Ces éléments sont enseignés par l’enseignant et appris par les élèves. Ces derniers peuvent observer, analyser, exercer, manipuler et étudier ces différents éléments qui composent l’objet d’enseignement/apprentissage (Lafontaine & Dumais, 2014 ; Schneuwly, 2009). Pour ce qui est de l’enseignant, il doit « rendre présent en classe l’objet enseigné et en montrer des dimensions essentielles pour l’apprentissage » (Schneuwly, Cordeiro & Dolz, 2005, p. 81). En effet, l’objet, pour devenir enseignable, doit être décomposé en éléments et, parfois, recomposé en une unité plus globale (Schneuwly et al., 2005). « Ces éléments se trouvent nécessairement dans un rapport hiérarchique, des éléments d’un niveau pouvant englober ceux d’un niveau inférieur » (Schneuwly et al., 2005, p. 81). Ainsi l’oral est un objet d’enseignement/apprentissage composé de plusieurs éléments à enseigner et à faire apprendre, dont le volume, le débit, la posture, etc. Chacun de ces éléments est un objet d’enseignement/apprentissage qui est décomposable en de nouveaux objets d’enseignement/apprentissage. Par exemple, pour enseigner le débit et apprendre à l’utiliser adéquatement à l’oral, certains éléments sont à enseigner et à faire apprendre dont la respiration, l’articulation, etc.
7Pour assurer un enseignement et une évaluation efficace de l’oral, il est essentiel que les objets d’enseignement/apprentissage de l’oral soient connus des enseignants et des élèves et qu’ils soient clairement définis (Dumais, 2014). « Si l’on veut faire de l’oral un objet d’enseignement comme les autres, il fau[t], comme cela a été fait pour l’écrit, passer par l’identification d’unités pouvant constituer un programme et susceptibles d’être mises en progression » (Maurer, 2001, p. 10). Pour permettre de répertorier les éléments qui composent l’oral, l’utilisation d’une typologie se révèle être une solution efficace.
8Une typologie est un système de classification « des éléments d’un ensemble, à partir de critères jugés pertinents, qui permet de ramener d’une façon simplifiée à quelques types fondamentaux une multiplicité d’objets » (Legendre, 2005, p. 1416). Un type rassemble plusieurs caractéristiques en un ensemble organisé et il concerne souvent plusieurs aspects, plusieurs dimensions, d’un même objet (Marradi, 1990). Ainsi un type permet de regrouper un grand nombre d’objets d’enseignement/apprentissage de l’oral. Pour assurer la validité et l’efficacité d’une typologie, les types doivent être définis et différenciés clairement. Cela permet qu’ils soient repérés sans équivoque par tous les usagers (Legendre, 2005).
9La typologie permet de comprendre des éléments souvent complexes (Ben Temellist, 2009). Elle est une réponse à un problème de classification, de caractérisation ou d’interprétation d’un ensemble complexe d’éléments (Legendre, 2005). La typologie est également évolutive : elle doit sans cesse être révisée et remaniée (Blais, 1983). Selon Ben Temellist (2009), trois éléments justifient l’élaboration d’une typologie : le pouvoir explicatif, la capacité de généralisation et la parcimonie. Le pouvoir explicatif signifie que la typologie, en classifiant et en créant des catégories, propose une meilleure compréhension et permet la préparation à une élaboration future d’une théorie ou d’un modèle. La capacité de généralisation permet qu’un travail exhaustif soit réalisé et que le contenu soit riche (plusieurs niveaux). Finalement, la parcimonie signifie que « la typologie réduit la variété chaotique de la recherche, en créant un nombre raisonnable de catégories. En effet, elle permet une simplification sans perdre des informations significatives » (Ben Temellist, 2009, p. 26). La typologie permet donc de partager tous les éléments dans un nombre restreint de catégories signifiantes.
10L’utilisation de typologies pour appuyer l’enseignement est un acquis de la didactique du français des vingt-cinq dernières années (Chartrand, 2009). C’est un besoin actuel et essentiel en didactique de l’oral. Cela nous a amené à proposer une typologie (Dumais, 2014) pour mieux définir l’oral et ses objets en français langue première.
11Il nous a paru essentiel de travailler à partir d’énoncés théoriques pour élaborer une typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral. En effet, l’analyse et la synthèse de recherches empiriques et d’écrits théoriques sur le sujet semblaient être la façon la plus appropriée d’identifier les objets de l’oral. La recherche théorique nous a donc paru la plus adéquate. Elle a donné lieu à un exercice de l’esprit produisant des énoncés théoriques à partir d’autres énoncés théoriques, ce qui a rendu possible l’élaboration d’un nouveau construit : une typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral (Legendre, 2005 ; Van der Maren, 1996).
12Lorsqu’un chercheur souhaite mener une recherche théorique, plusieurs démarches sont possibles (l’herméneutique, l’analyse conceptuelle, la rhétorique, l’analyse critique, etc.) (Martineau, Simard & Gauthier, 2001 ; Van Der Maren, 1996). Dans cette recherche, la méthodologie qui a été privilégiée est l’anasynthèse (Legendre, 2005). Cette dernière nous a paru la plus pertinente puisqu’elle répondait à nos présupposés épistémologiques en plus de nous fournir un processus structuré d’investigation. De plus, elle a permis la simulation auprès d’experts. Cela nous semblait essentiel dans le cadre d’un tel travail afin de nous assurer de la validité et de la crédibilité de la recherche.
13L’anasynthèse est un « processus général d’élaboration d’un modèle » (Legendre, 2005, p. 74). Elle fournit un processus structuré d’investigation conduisant au développement de modèles théoriques, une typologie dans le cadre de cette recherche, et permet l’analyse de modèles. De plus, il s’agit d’une approche globale qui se réalise à travers un processus itératif en sept étapes (voir figure 1) : (1) l’identification de l’ensemble de départ, (2) l’analyse de l’ensemble de départ, (3) la synthèse de l’ensemble de départ, (4) l’élaboration d’un prototype, (5) la simulation du prototype, (6) la proposition d’un modèle et (7) les rétroactions. Afin de mieux comprendre le processus d’élaboration de la typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral (Dumais, 2014), chacune de ces étapes est explicitée.
Figure 1 : Représentation générale de l’anasynthèse adaptée de Legendre (2005)
14La première étape de l’anasynthèse est la constitution d’un ensemble de départ. Il s’agit d’un corpus d’écrits relatifs à l’objet de recherche, c’est-à-dire tout ce qui peut être identifié dans les moteurs de recherche et les banques de données. Afin d’être mise en œuvre, cette première étape nécessite d’abord l’établissement d’un champ notionnel. Il s’agit de la sélection d’un ensemble de termes (descripteurs), plus ou moins reliés, qui permettent de décrire les principaux éléments d’une recherche (Guay, 2004 ; Legendre, 2005). Puis, un recensement des écrits est effectué. Il se fait par le dénombrement spécifique de tous les écrits se rapportant à l’objet de recherche (Legendre, 2005). Cela s’effectue en utilisant les descripteurs du champ notionnel dans les différents moteurs de recherche et bases de données. Une grande quantité de documents est alors répertoriée. Des choix doivent être faits par la suite à l’aide de critères de sélection : il y a donc recension.
15À partir de l’ensemble de départ, une analyse est effectuée, et ce, par l’identification et la collecte des données pertinentes au sein de l’ensemble à l’étude (le corpus de textes) (Legendre, 2005). L’analyse de contenu est utilisée (L’Écuyer, 1987) pour extraire les informations pertinentes.
16Après analyse de l’ensemble de départ, une synthèse est effectuée. Il s’agit de rassembler et de structurer les données recueillies. Selon Guay (2004), cela permet au chercheur de constater si certaines données sont absentes, incomplètes ou nébuleuses. Lorsque c’est le cas, il est nécessaire d’« effectuer des boucles de rétroaction aux étapes antérieures (ensemble de départ et analyse de l’ensemble de départ) afin d’aller chercher toutes les données nécessaires à l’élaboration d’une synthèse exhaustive et explicite […] » (Lacelle, 2009, p. 267). La saturation des données disponibles indique quand la synthèse prend fin.
17Lorsque la synthèse a été effectuée, il y a élaboration d’un prototype. Cela correspond « à la conceptualisation de la meilleure synthèse produite alors que l’apport de données supplémentaires à l’analyse n’influe plus sur la nature de la synthèse » (Guay, 2004, p. 23). Il s’agit en fait d’une version préliminaire du modèle (une typologie dans cette recherche).
18Une simulation du prototype doit être effectuée par la suite. Cela permet que le prototype soit enrichi et modifié par des personnes compétentes et extérieures au processus de modélisation (Legendre, 2005). La validité scientifique du prototype est ainsi évaluée et des suggestions d’améliorations peuvent être recueillies. Si le prototype ne satisfait pas à la vision et à la réalité des experts, des retours aux étapes précédentes peuvent être effectués.
19À la suite de la simulation du prototype, la proposition d’un modèle est faite lorsque « les rétroactions des évaluateurs et les réajustements apportés par le chercheur n’amènent plus de modifications au prototype » (Guay, 2004, p. 25). Le prototype devient un modèle puisqu’il y a saturation.
20Les rétroactions sont possibles à chacune des étapes de l’anasynthèse puisqu’il s’agit d’un processus itératif (Legendre, 2005). Des rétroactions à des étapes précédentes permettent de recueillir de nouvelles données, d’améliorer la synthèse, de modifier le prototype, de répondre aux demandes lors de validations, etc. (Guay, 2004 ; Lacelle, 2009).
21Au départ, à l’aide de l’anasynthèse, une recension des systèmes de classification en lien avec l’oral a été effectuée dans des moteurs de recherches et des banques de données. Cela a permis d’identifier, parmi des écrits scientifiques, des systèmes de classifications en lien avec l’oral qui s’apparentaient à des typologies. Nous avons répertorié 22 systèmes de classification en lien avec l’oral que nous appellerons « typologie ».
22Treize typologies ont été conservées : celles qui concernaient plusieurs objets de l’oral (Bouchard, 2004 ; Charaudeau, 2001 ; Colletta, 2002 ; Daviault, 2011 ; Dolz & Schneuwly, 1998 ; Garcia-Debanc & Laurent, 2003 ; Lemaire, 2006 ; Maingueneau, 1996 ; Préfontaine, Lebrun & Nachbauer, 1998 ; Simard et al., 2010 ; Sousa, 2006 ; Vermette, 1992) et une seule qui concernait un objet spécifique de l’oral (Heddesheimer & Roussel, 1986). Cette dernière concernait les interactions orales en face à face. Malgré sa spécificité, elle était constituée de plusieurs types divisés en plusieurs catégories, ce qui était non négligeable comme information. Les autres typologies n’ont pas été conservées puisqu’elles ne concernaient qu’un seul objet de l’oral et ses spécificités, et puisqu’elles n’apportaient pas suffisamment d’informations. Par la suite, une analyse de ces 13 typologies a été effectuée. À la lumière de notre compréhension de chacune d’elles, nous avons identifié tous les types dans chacune des typologies. Lorsque cela a été possible, les types similaires provenant des 13 typologies ont été rassemblés en un seul type (lorsque des types avaient des noms différents, mais qu’ils présentaient les mêmes objets). Dix-neuf types différents ont été identifiés pour classer les objets de l’oral et ont été analysés. Deux grandes catégories de types se rapportant aux deux grands volets du développement du langage (volets structural et pragmatique) ont aussi été identifiées. En effet, dans toutes les typologies analysées, des éléments structuraux (volet structural) ont été trouvés et, dans 11 typologies sur 13, des éléments du volet pragmatique ont été identifiés.
23Nous avons pu constater qu’aucune des 13 typologies n’était en mesure de répertorier l’ensemble des types, de façon individuelle ou jumelée (deux types portant un seul nom par exemple), qui se retrouvent dans les typologies présentées. Aucune typologie n’était donc satisfaisante pour partager tous les objets de l’oral dans des catégories signifiantes. Nous avons donc pris la décision d’élaborer une typologie à partir de l’ensemble des typologies que nous avons analysé. Pour cela, une approche déductive a été utilisée comme méthodologie d’élaboration de la typologie (Legendre, 2005). Nous avons élaboré une typologie à partir de types généraux déjà existants provenant des typologies (les 19 types identifiés précédemment).
24À la suite de l’analyse effectuée des 13 typologies, la décision de séparer notre prototype de typologie en deux grands volets a été prise. Le premier volet, le volet structural, répertorie les objets de l’oral en lien avec le code oral (structure de la langue). Le deuxième volet, le volet pragmatique, répertorie les objets qui mettent en pratique les objets du volet structural dans la communication (en fonction de la situation de communication, du contexte) et les objets qui entrent spécifiquement en jeu dans une situation de prise de parole ou dans une situation d’écoute. Une flèche bidirectionnelle est présente dans la figure 2 pour indiquer la relation entre les deux volets (le volet pragmatique met en jeu des objets du volet structural). Les propos de Bernicot & Bert-Erboul (2009), Le Cunff (2012) et Maurer (2001), pour qui le volet pragmatique est trop souvent négligé, ont motivé notre décision d’inclure deux volets à la typologie. Selon ces auteurs, le volet pragmatique doit faire partie d’un enseignement de la langue, notamment à l’oral, et être intégré aux typologies qui concernent l’oral. Pour Maurer (2001), il est nécessaire de dépasser le simple point de vue linguistique (volet structural). Il faut aller au-delà de l’apprentissage des formes (les aspects structuraux de la langue orale). Notre décision fut aussi motivée par les travaux de différents chercheurs dans le domaine de la psycholinguistique, de la linguistique et du développement du langage, dont ceux de Bates & MacWhinney (1979) et de Hupet (1996) pour qui la relation entre les deux volets est essentielle dans le développement du langage.
25Par la suite, un regroupement des 19 types en 10 types séparés selon les deux volets de la langue orale a été effectué. Le nombre de types est passé de 19 à 10 puisque plusieurs ont été regroupés pour former un seul type. C’est entre autres le cas des types « phonétique », « phonologie » et « locutoire (débit, volume, etc.) » qui sont devenus le type « paraverbal ». Les regroupements ont permis d’éviter certaines ambiguïtés quant au classement des objets de l’oral et ont permis de regrouper des types ayant des similitudes, notamment pour ce qui est du volet pragmatique. Cette typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral est présentée dans la figure 2 (Dumais, 2014).
Figure 2 : Typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral
(Dumais, 2014, p. 191)
- 3 La description de la typologie reprend ce qui a été présenté dans Dumais (2015, p. 37 à 44).
26Dans cette section, nous présentons une description3 des 10 types identifiés selon les 2 volets (Dumais, 2014). Mentionnons que nous avons fait le choix de ne pas limiter la typologie aux objets spécifiques de l’oral. Nous avons inclus tous les objets qui traitent à la fois de la langue française orale et écrite. Dans une perspective didactique, il nous a semblé plus avantageux de ne pas écarter les objets communs à l’écrit et à l’oral. Cela n’est pas dans le but de soumettre l’oral à la norme de l’écrit, mais plutôt de permettre de faire ressortir les différences et les ressemblances entre l’oral et l’écrit.
27Dans le volet structural, il est question de l’organisation et des composantes du code qu’est la langue orale (Bernicot & Bert-Erboul, 2009 ; Colletta, 2004). Ce volet concerne donc les unités du système linguistique indépendamment de leurs conditions d’utilisation (de Weck & Marro, 2010). Il regroupe les objets de l’oral en lien avec la structure de la langue orale. Quatre types sont associés à ce volet : le type paraverbal, le type morphologique, le type syntaxique et le type lexico-sémantique.
- 4 Pour la langue orale, le type paraverbal joue un rôle important. En effet, certains objets de ce ty (...)
- 5 Nous considérons que le paraverbal ne fait pas partie du non-verbal. Il s’agit d’une entité à part (...)
- 6 Tous les objets de la typologie et leur définition sont disponibles dans Dumais (2014).
28Ce type comprend tous les objets qui se rattachent à la phonétique, à la phonologie et au paraverbal5. Nous avons fait le choix de rassembler la phonétique et la phonologie puisqu’elles sont regroupées dans certaines typologies (Simard et al., 2010). Dans d’autres typologies (Maingueneau, 1996 ; Sousa, 2006), seule la phonétique ou la phonologie apparait et, lorsque c’est le cas, selon les caractéristiques données dans ces typologies, il semble être question autant de phonétique que de phonologie même si un seul de ces éléments est nommé. De plus, même si la phonétique et la phonologie ont leurs propres particularités et se réfèrent à deux entités différentes (de Weck & Marro, 2010), il nous apparait plus logique de les regrouper pour éviter certaines confusions et certains débats entre des objets qui pourraient se retrouver dans la phonétique ou dans la phonologie. Également, nous considérons que ce qui se rapporte au paraverbal (ce qui concerne la voix et la prosodie) est en lien direct avec la phonologie et la phonétique. Pour les raisons évoquées, la phonétique, la phonologie et le paraverbal ont été regroupés. Les objets de ce type sont entre autres le débit, l’intonation, l’articulation et le volume6.
29Ce type comprend la formation et la structure des mots à l’oral ainsi que les variations de forme qu’ils subissent (Brousseau & Nikiema, 2001 ; Préfontaine et al., 1998). Cela concerne entre autres le genre et le nombre des mots (respect des accords) et la conjugaison (les différentes formes que peut prendre le verbe). Le morphème est à la base de ce type. Parmi les objets de ce type, nous retrouvons l’affixe, la dérivation et le temps verbal.
30Ce type concerne la construction de l’énoncé ainsi que les règles et les relations entre les mots dans un énoncé (Simard, 1992). Mentionnons qu’il est question d’« énoncé » plutôt que de « phrase » à l’oral, notamment lorsqu’il est question d’oral spontané (Rouayrenc, 2010). La syntaxe de la langue orale se compose entre autres d’énoncés inachevés, de dislocations, de répétitions, de faux départs, etc. Dans ce type, il est entre autres question de liens entre un mot et ses compléments, de types d’énoncés ainsi que de coordination, de subordination et de juxtaposition.
31Ce type concerne le vocabulaire, c’est-à-dire l’ensemble des mots et des locutions employés à l’oral, ainsi que le vocabulaire passif, c’est-à-dire le vocabulaire compris, mais non extériorisé (Chevrie-Muller & Narbona, 2006 ; Polguère, 2003). Ce type est en lien avec le sens des mots et des énoncés. Il concerne donc l’ensemble des sens exprimables ou compris dans la langue française ainsi que l’ensemble des règles d’expression et de combinaison des sens. Il comprend les régionalismes, l’analogie, les emprunts, etc.
32Quant au deuxième volet, le volet pragmatique, il concerne le rapport entre le code (la langue orale) et le contexte d’utilisation de ce dernier. Autrement dit, la structure de la langue orale et les paramètres de la situation de communication sont liés dans ce volet (Bernicot & Berth-Erboul, 2009). Il est donc question de l’utilisation des objets du volet structural en fonction de la situation de communication et du contexte d’utilisation, ce qui inclut entre autres les aspects sociaux et culturels (Bouchard & Fréchette, 2011). Il s’agit en fait des objets qui mettent en correspondance la structure de la langue et les caractéristiques des situations sociales (Colletta, 2004). Il correspond également à des objets spécifiques qui entrent en jeu dans une situation de prise de parole ou dans une situation d’écoute. Six types se rapportent à ce volet : le type non verbal, le type matériel, le type communicationnel, le type discursif, le type de contenu et le type émotionnel.
- 7 Puisque certains gestes accompagnent la parole (la parole est multimodale, ce qui inclut les mouvem (...)
33Ce type comprend les signes qui relèvent de la modalité visuelle tels que le regard, la posture, les gestes, etc. (Colletta, 2004) et exclut tout ce qui concerne le paraverbal. Le type non verbal comprend « l’ensemble des signaux visuels et kinésiques produits par les locuteurs au cours de la communication parlée, et plus précisément des conduites posturo-mimo-gestuelles accompagnant la parole » (Colletta, 2004, p. 75). Cela comprend les gestes pour mieux expliquer/comprendre (ces gestes peuvent être utilisés pour adapter et « renforcer le langage verbal, se substituer momentanément à lui, le contredire ou le contextualiser » [Guidetti, 1998, p. 27]) et les signes qui relèvent de la modalité visuelle présents en situation d’écoute. Ce type inclut aussi la gestion de l’espace, appelée proxémie, qui concerne entre autres la distance d’interaction entre les personnes et la distance entre les personnes et les objets (Heddesheimer & Roussel, 1986). Ce type exclut cependant le décryptage du fonctionnement de l’esprit humain à partir du langage corporel (entre autres la synergologie).
34Dans certains genres (l’exposé oral par exemple), les supports textuels, visuels, audio et audiovisuels, pour le locuteur et/ou pour l’auditoire, sont des supports essentiels à la prise de parole (Dolz, Hanselmann & Ley, 2006 ; Pfeiffer-Ryter, Demaurex & Dolz, 2007). Ces supports au service de l’oral sont souvent absents des typologies de l’oral. Pourtant, des recherches effectuées sur le genre qu’est l’exposé oral ont montré que les supports au service de l’oral et leurs caractéristiques s’enseignent et s’évaluent, et qu’ils occupent une place importante lors de ce type de prise de parole (Dolz et al., 2006 ; Pfeiffer-Ryter et al., 2007). En effet, « un degré d’intervention plus ou moins fort de l’écrit est toujours présent dans la pratique de l’exposition orale des locuteurs alphabétisés » (Dolz et al., 2006, p. 148). Pour ces raisons et parce que nous considérons qu’il s’agit d’une composante indispensable lors de certaines prises de parole, le type matériel est inclus dans cette typologie. Ce type concerne donc l’utilisation de supports audio, visuels, audiovisuels et textuels, en situation de prise de parole ou d’écoute, pour le locuteur et pour l’auditoire ainsi que les caractéristiques de ces supports (format, lisibilité, etc.).
35Ce type concerne ce dont il faut tenir compte avant, pendant et après la production langagière ou l’écoute selon la situation de communication. Il correspond à la capacité « d’adapter la production langagière aux contraintes des cadres d’interaction et aux caractéristiques des contenus référentiels mobilisés dans la production langagière » (Dolz & Schneuwly, 1998, p. 77). Il concerne donc la prise de conscience de la situation de communication (identité des partenaires, but de la prise de parole ou de l’écoute, propos en jeu, circonstances matérielles, etc.) et l’adaptation à la situation de communication (savoir choisir un registre de langue approprié, prendre en compte la culture de l’autre, etc.) (Préfontaine et al., 1998). Il concerne aussi les interactions entre des locuteurs (lors d’un débat par exemple) et les interactions entre le locuteur et les auditeurs (lors d’un exposé oral par exemple). Il est également question des actions verbales en interaction (coconstruction d’un discours), et ce, lors de situations de prise de parole ou d’écoute. Ce type touche donc des phénomènes langagiers tels que les phatèmes (« hein », « n’est-ce pas ? », etc.) et les régulateurs (« mm », « oui », « c’est ça », etc.). Il concerne également les tours de parole, la capacité à ouvrir et à clore une conversation, la capacité à mieux faire comprendre/entendre son propos (expliciter un mot, savoir préserver l’écoute, etc.), etc. (Bernicot & Bert-Erboul, 2009 ; Maurer, 2001).
- 8 À l’instar d’Adam (2011), nous ne considérons pas les textes procéduraux (la recette, par exemple) (...)
- 9 « Par textualisation, on entendra l’ensemble des opérations aboutissant à une représentation textue (...)
36Ce type concerne principalement trois grandes catégories d’objets de l’oral. La première catégorie concerne les conduites discursives (narrative, explicative, descriptive, argumentative et dialogale8). Il est question autant de la production que de la compréhension de ces conduites ainsi que de leurs caractéristiques structurales (organisation, constitution et structure interne) et les objets de ces dernières. Ces objets, que nous appelons « procédés discursifs » peuvent aussi porter le nom d’« opérations langagières » (Grandaty & Chemla, 2004, p. 184) ou de « phénomènes discursifs » (Halté, 1989, p. 99). Ce peut être la réfutation, la reformulation, la comparaison, etc. Il s’agit donc de la mise en pratique et de la gestion de conduites discursives. Ce type comprend également, comme deuxième grande catégorie, des objets en lien avec la textualisation9 (Apothéloz, 1995 ; Bronckart, 1985). Ces objets sont la cohésion, la cohérence, les anaphores, les déictiques, les connecteurs, l’harmonisation des temps verbaux, la construction des énoncés en lien avec l’ensemble du discours (possibilité d’inférer les informations grâce aux indices du discours par exemple), etc. La troisième grande catégorie d’objets de ce type est la régie des voix énonciatives. Elle « règle le rapport entre les différentes voix qui peuvent apparaitre dans un texte : la voix de l’auteur, la voix des personnages d’un récit, les voix d’autres personnes » (Dolz & Schneuwly, 1998, p. 80).
- 10 Dans l’article de Grice de 1979, la catégorie clarté se nomme « catégorie de modalité » et la catég (...)
37Il concerne le contenu, le message qui est véhiculé. C’est l’ensemble des informations qui sont présentées dans un discours (Bronckart & Bulea Bronckart, 2013). « Il s’agit de connaissances, qui varient en fonction de l’expérience et du niveau de développement de l’agent et qui sont stockées et organisées dans sa mémoire, préalablement au déclenchement de l’action langagière elle-même » (Bronckart & Bulea Bronckart, 2013, p. 8). Le contenu peut aussi être un texte mémorisé (lors d’une récitation par exemple). Il est possible de se référer aux quatre catégories établies par Grice (1975 et 1979), qui permettent d’assurer la réussite de l’acte de communication, afin d’avoir des balises (objets) concernant ce type. Les catégories, qui sont la quantité, la qualité, la clarté10 et la pertinence, permettent que le contenu d’une communication soit réussi et compris.
38Les émotions font partie de l’oral (Pharand, 2013). Elles sont « lexicalisées en langue, laissent des traces dans les choix lexicaux, syntaxiques ou pragmatiques opérés en discours, et sont perceptibles dans le signal de parole aussi bien que dans les conduites non verbales des locuteurs » (Colletta & Tcherkassof, 2003, p. 9). Les émotions agissent également sur la capacité à prendre la parole. Ce type concerne donc les objets en lien avec les émotions présentes lors de prises de parole ou lors de l’écoute (Coletta & Tcherkassof, 2003 ; Dolz & Schneuwly, 1998). Les manifestations peuvent être très variées et prendre plusieurs formes (Pharand, 2013). Par exemple, elles peuvent s’exprimer sous des formes verbales (la personne fait part de son émotion) et vocales (soupirs, rires, cris, etc.). Le type émotionnel est souvent représenté dans les typologies et dans les programmes de formation par « attitude » et des caractéristiques y sont associées telles que la confiance, l’aisance, la motivation et l’enthousiasme. Des objets sont spécifiques à ce type (attitude, trac, timidité, etc.) et d’autres objets du volet structural sont affectés (débit, volume, etc.) par les émotions. Tous ces objets s’enseignent et se travaillent par la sensibilisation et la prise de conscience de leur influence sur la prise de parole et l’écoute (Brillon & Taillon, 1992).
39Par la suite, afin de nous assurer que les types identifiés incluent l’ensemble des objets de l’oral et afin de nous permettre d’identifier clairement ces objets, nous avons fait une analyse et une synthèse des 22 typologies répertoriées au départ, de progressions qui incluent des objets de l’oral, de textes sur les objets de l’oral répertoriés dans des banques de données (ERIC, Érudit, Francis, CAIRN, etc.) et de programmes de formations canadiens francophones (en français langue première). Étant donné que nous avons rapidement atteint la saturation des données pour ces derniers documents, nous nous sommes limité aux programmes de formation canadiens francophones.
- 11 Ces 334 objets de l’oral et leur définition se trouvent dans Dumais (2014).
40Cet important travail d’analyse et de synthèse nous a permis d’identifier 334 objets de l’oral11 et de les définir clairement afin de nous assurer de leur compréhension. Tous ces objets ont pu être classés dans l’un des 10 types qui composent notre typologie. Cela signifie, à la lumière des objets identifiés grâce à l’anasynthèse, que notre typologie est suffisamment complète pour regrouper tous les objets de l’oral répertoriés. Elle permet de regrouper dans un minimum de types (de catégories) un maximum d’objets de l’oral.
- 12 Étant donné le manque de connaissances des enseignants en ce qui concerne l’oral (Dumais, 2014 ; Pl (...)
41Afin d’assurer la validité et l’efficacité de la typologie ainsi que de véritables retombées, il s’avérait essentiel de tenir compte des principaux acteurs concernés dans le milieu scolaire et dans le domaine de la recherche. Le prototype de typologie a donc été soumis à deux types d’experts qui ont eu à répondre à un questionnaire (questions ouvertes) en lien avec la typologie : des chercheurs spécialisés en didactique de l’oral (un professeur d’une université québécoise et un professeur d’une université française) et des praticiens12 (cinq conseillers pédagogiques du Québec).
42À la suite de cette validation, grâce à des suggestions d’amélioration, un enrichissement de la typologie et des modifications ont pu être effectués. Cela a permis d’en arriver à un modèle qui soit le plus complet possible et qui tienne compte des besoins des principaux acteurs concernés par cette typologie. Parmi les améliorations qui ont été effectuées, nous avons entre autres fait une meilleure distinction entre le type discursif et le type de contenu, le type discursif a complètement été revu et divisé en trois sections (« conduite discursive », « textualité » et « régie des voix énonciatives ») pour qu’il soit plus facile de le comprendre et des définitions d’objets de l’oral ont été complétées ou modifiées. Le modèle ainsi créé permet de mieux comprendre ce qu’est l’oral en le définissant selon 2 volets et 10 types. Il permet également de classer les 334 objets que nous avons répertoriés.
43La recherche que nous avons menée souhaitait apporter des réponses à une zone grise de la didactique de l’oral. L’élaboration d’un modèle de typologie des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral fournit un nouvel éclairage en ce qui concerne l’oral et ses objets. Les résultats obtenus permettent d’avoir accès à une synthèse des différents travaux des 40 dernières années en lien avec l’oral. Le modèle élaboré permet également aux différents acteurs de l’éducation (praticiens, formateurs et chercheurs) d’avoir une meilleure connaissance de l’oral et de ses objets d’enseignement/apprentissage en plus de leur donner accès à des définitions claires et accessibles des différents objets qui composent l’oral (Dumais, 2014). Cela pourra aider à l’enseignement et à l’évaluation de l’oral. Nous sommes toutefois conscient que ce travail de recherche présente des limites. Malgré notre désir d’être le plus objectif possible lors de l’analyse des écrits, une certaine forme d’interprétation du chercheur est présente. De plus, le discours du chercheur peut se trouver simplifié par moments ou bien il peut s’enliser dans un jargon hermétique conduisant à une rupture avec les praticiens (Van der Maren, 1996). Également, il est impossible de prétendre que tous les objets de l’oral sont présents étant donné la complexité même de ce concept. Il s’agit d’une limite d’une typologie. Cette dernière ne peut garantir l’exhaustivité, mais permet toutefois de classer un maximum d’éléments, des objets de l’oral dans cette recherche, dans un minimum de catégories. Il est aussi important de préciser que ce travail n’avait pas pour objectif d’établir un consensus, mais plutôt de donner des points de repère permettant d’organiser un enseignement et de mieux comprendre ce qu’est l’oral. C’est son utilisation par les praticiens et les chercheurs qui permettra de déterminer la valeur de la typologie. Nous sommes conscient qu’il sera nécessaire de la bonifier, car tout modèle est perfectible (Legendre, 2005). Enfin, la façon de concevoir l’oral d’un point de vue didactique est une limite de cette recherche. La typologie a été élaborée en ayant une visée didactique. L’oral pourrait être appréhendé autrement selon le domaine d’étude. Pensons entre autres au domaine de l’orthophonie ou encore du point de vue de la sociolinguistique.
44Nous espérons que nos résultats puissent contribuer à l’avancement des connaissances dans le domaine de l’éducation et plus précisément en didactique de l’oral. Puisqu’une typologie peut servir de fondement à l’élaboration d’une progression, nous souhaitons que le modèle créé puisse servir de fondement théorique à l’élaboration d’une progression des objets d’enseignement/apprentissage de l’oral. Nous souhaitons également que nos résultats de recherche puissent offrir un cadre de référence théorique aux chercheurs de notre domaine. Nous faisons aussi le souhait que nos résultats de recherche servent de point de départ à plusieurs recherches empiriques en didactique de l’oral. Une didactisation des objets de l’oral pourrait s’avérer fort pertinente. De plus, malgré une validation auprès de quelques chercheurs et praticiens, la typologie doit être validée à plus grande échelle, et ce, tant par les chercheurs que les praticiens. La typologie, comme tout modèle, est un produit non fini qui se doit d’être constamment amélioré (Legendre, 2005). Elle pourra être complétée ou modifiée par de nouvelles recherches. Enfin, pour assurer de véritables retombées à ce modèle, il reste maintenant à mettre en place des ressources accessibles aux enseignants et aux futurs enseignants qui leur permettront de mieux comprendre ce qu’est l’oral et ses objets. Des recherches développement (Loiselle & Harvey, 2007) permettraient de rendre la typologie beaucoup plus accessible. À l’aide de ce type de recherche, une plate-forme en ligne pourrait être créée et des séquences d’enseignement ainsi que des ateliers formatifs (Dumais & Messier, 2016) pourraient être élaborés.