1De nos jours, il est bien connu que les adolescents sont fort intéressés par les nouvelles technologies et sont nombreux à les utiliser au quotidien (Clark & Dudgale, 2009). Il suffit de penser à leur téléphone cellulaire qu'ils utilisent tous les jours et qui leur permet de "tout faire". En effet, par l'intermédiaire de cet appareil, ils ont, par exemple, l'opportunité de clavarder, de texter, d'envoyer des vidéos, d'aller chercher des informations sur le web, etc.
- 1 Le Ministère de l'éducation, du loisir et du sport (MELS) a changé récemment d'appellation et se no (...)
2Avec cette utilisation technologique grandissante, il semble important que l'école s'adapte et ajuste sa pédagogie en faisant bénéficier les élèves, en classe, des divers avantages de ces outils, notamment en contexte d'écriture (Collin, Karsenti & Dumouchel, 2012). D'ailleurs, le Ministère de l'éducation, du loisir et du sport du Québec1 (MELS, 2006) a créé une compétence transversale, à travailler avec les élèves, liée directement aux Tic (technologies de l'information et des communications) : exploiter les Tic. Ainsi, à quelques reprises durant l'année scolaire, les élèves sont évalués quant à leur compétence à les utiliser. Il demeure qu'à ce jour, certaines études soutiennent que l'intégration des Tic par les enseignants demeure faible (Béché, 2013). En ce sens, il apparaît que, malgré une utilisation importante des Tic au quotidien par les élèves, de nombreux enseignants éprouvent encore aujourd'hui une réticence à y faire appel en classe et, pour plusieurs, ils les intègrent peu (Béché, 2013). Dans cet article, il est question de l'usage à l'école d'un outil de communication intégrant les Tic utilisé fréquemment par les jeunes à la maison, et dont l'intégration en classe est relativement facile : le clavardage.
3Le clavardage est fort populaire chez les adolescents. Cette popularité a été mise en évidence par plusieurs recherches, dont une menée au Québec en 2011 avec des élèves de première et de deuxième secondaire âgés entre 12 et 14 ans (N = 158), qui a établi que 85% des jeunes clavardent. Parmi l'ensemble des élèves, 82% des garçons et 90% des filles ont déclaré clavarder (Gonthier, 2011). Du côté européen, Clark et Dudgale (2009) ont questionné des élèves écossais et anglais (N = 3 000) âgés entre huit et seize ans concernant leurs habitudes de clavardage et il s'avère que 73% d'entre eux clavardent. On constate donc que la majorité des jeunes font appel au clavardage afin d'entrer en contact avec leurs pairs. Pour ce faire, étant donné qu'ils sont très actifs sur les réseaux sociaux, ils ont notamment recours à Facebook. Certains utilisent également des logiciels de clavardage tels que Yahoo Messenger et Google Hangouts. Notons que la plupart des logiciels permettant l'écriture collaborative offrent également la possibilité aux usagers de clavarder (Google Documents, Office 365, Etherpad, etc.). Le clavardage est défini comme un mode de communication écrit interactif à distance basé sur des discussions virtuelles en direct à l'ordinateur avec une ou plusieurs personnes. Il se démarque par ses aspects de rapidité et d'instantanéité (Gonthier, 2011). On remarque donc que le clavardage, dans la présente recherche, concerne uniquement les discussions par ordinateur et ne prend pas en compte les textos, envoyés à l'aide de téléphones cellulaires. Les jeunes sont également nombreux à communiquer à l'aide de messages texte. Par exemple, 63% des adolescents américains échangent des textos sur une base quotidienne (Lenhart, 2012).
4Lorsqu'il est question du recours au clavardage à l'école, nous parlons de "clavardage pédagogique". Dans ce contexte, les élèves utilisent le clavardage afin de réaliser des activités scolaires variées (rédaction de textes collectifs et à distance, débats, etc.) (Camus et al., 2004). Il est, par exemple, possible de collaborer avec des pairs par l'entremise du clavardage lors de la réalisation d'une production écrite. Dans des activités semblables, il est fréquent que l'enseignant exige des élèves qu'ils fassent appel à la langue française écrite de façon conventionnelle, étant donné que les séances de clavardage se concrétisent dans un cadre formel, à l'école. Toutefois, lorsque les élèves clavardent à des fins personnelles, ils ont tendance à modifier leur écriture pour répondre à divers besoins de rapidité. Entre autres, on observe des réductions graphiques, qui consistent en l'abréviation de lettres ou de mots, et des réductions avec variantes phonétiques dans le cadre desquelles les scripteurs changent l'écriture des mots malgré le fait que la prononciation reste la même. Fréquemment, les scripteurs éliminent certaines consonnes et utilisent des lettres au lieu des mots (c pour c'est). Ces modifications de la langue visent à répondre aux exigences des conversations virtuelles qui préconisent des messages courts dont l'envoi est rapide. On observe également des étirements graphiques, soit des ajouts de lettres identiques à la fin des mots. Par l'entremise du clavardage, les signes de ponctuation sont peu utilisés ; les individus ont tendance à omettre la majuscule au début d'une phrase et le point à la fin de celle-ci. De plus, la ponctuation de nature expressive et interrogative (!, ?) est utilisée de façon hors norme et à répétition, afin de mettre l'emphase sur le contenu de certains messages (Anis, 2000 et 2003 ; David & Goncalves, 2007).
5Il est aussi essentiel que par l'intermédiaire des activités mises en place, les élèves collaborent afin de développer des compétences : ils ne doivent pas clavarder uniquement pour le plaisir d'interagir de cette façon avec leurs pairs, mais bien parce que cela leur apporte "quelque chose de plus" sur le plan pédagogique (Camus et al., 2004).
6Une façon judicieuse d'intégrer le clavardage à l'enseignement est de réaliser une tâche d'écriture par son entremise. Les élèves peuvent rédiger une production écrite au complet à l'aide du clavardage, tout comme il est possible de les faire clavarder lors de certaines phases du processus d'écriture, entre autres lors de la planification et de la révision. Dans certaines recherches, la collaboration a lieu tout au long du processus d'écriture. Par exemple, Bouchard et De Gaulmyn (1997) se sont attardés à la rédaction conversationnelle, dans le cadre de laquelle des scripteurs travaillent en collaboration à la production d'un texte. Toutes les étapes d'écriture se déroulent en collaboration et les échanges, qui se concrétisent à l'oral, sont enregistrés et retranscrits. Des traces des étapes d'écriture sont ainsi conservées, du brouillon à la copie finale, ce qui permet de voir le processus rédactionnel dans son ensemble. Dans un contexte de rédaction conversationnelle, les équipiers sont amenés à justifier leurs choix d'écriture, ainsi qu'à expliciter leur démarche. Les interactions entre pairs font en sorte que les élèves peuvent verbaliser leurs pensées quant à l'écriture.
7Il est également possible de faire en sorte que la collaboration ait lieu lors de certaines étapes du processus d'écriture, seulement, par exemple, lors des phases de planification et de révision. À ce moment, la phase de rédaction et la correction finale faisant suite à la révision se déroulent individuellement. La planification collaborative elle-même a fait l'objet d'un nombre limité de recherches au primaire et au secondaire. Les recherches y étant consacrées semblent surtout se concentrer sur l'enseignement explicite des stratégies d'écriture, dont la planification (Graham, Harris & Mason, 2005 ; Tracy, Reid & Graham, 2009). Parmi les études qui se sont attardées à la planification collaborative, on retrouve celle menée par Dale (1997), qui a examiné les effets de l'écriture collaborative sur les apprentissages d'élèves de neuvième année (N = 24). Ceux-ci ont été répartis dans des triades hétérogènes d'après leur sexe, leur origine culturelle, leurs habiletés verbales et leur leadership et ont rédigé trois textes argumentatifs en collaboration. Il en ressort que les sujets ont centré leurs efforts sur la planification et la révision des textes et ont consacré plus de temps à la planification en collaboration qu'individuellement. De plus, d'après Geoffre (2013), la planification collaborative constitue une aide importante à la gestion du processus d'écriture.
8La révision collaborative, quant à elle, a été davantage explorée. Cependant, la majorité des études sur ce sujet se sont déroulées avec des élèves du primaire. Par exemple, Allal et al. (2005) ont étudié les interactions en contexte d'écriture de trois classes de cinquième année et ont analysé les interactions de révision d'une dyade par classe. Les élèves ont écrit individuellement leurs textes et les ont révisés d'abord individuellement, ensuite avec un pair. Les résultats ont montré que les élèves, grâce à la collaboration, ont augmenté de façon substantielle le nombre de transformations effectuées à leurs textes et que cette forme de révision, individuelle puis en dyade, a eu un impact positif quant à leur investissement lors de la révision.
9On remarque donc que la collaboration entre pairs lors de la réalisation d'activités d'écriture semble avoir un potentiel pédagogique prometteur. En revanche, ces études ne se sont pas déroulées avec les Tic. En effet, il semble que peu d'études aient intégré la planification et la révision collaboratives dans un contexte technologique. Ainsi, on peut se demander ce qu'il en est pour la collaboration lors des phases de planification et de révision d'une production écrite rédigée par l'entremise du clavardage.
10À ce jour, les recherches consacrées à l'utilisation du clavardage en classe de langue sont rares. Celles qui se sont déroulées avec des élèves francophones le sont encore plus, et ce, malgré la popularité et les avantages du clavardage, qui offre de belles opportunités de travail à distance aux jeunes. Les études sur la question ont révélé des résultats particulièrement encourageants pour le développement de la compétence à écrire. Morgan et Beaumont (2003) ont fait en sorte que des élèves de la fin du primaire clavardent afin de travailler leur argumentation. Ces derniers ont réalisé plusieurs séances de clavardage et ont aussi discuté à l'oral avec leurs pairs afin d'évaluer s'il y avait une progression à cet égard. Leurs résultats ont montré que, grâce à ces activités, les jeunes ont proposé des arguments en plus grand nombre et de meilleure qualité ; van Drie et van Boxtel (2010) ont, quant à eux, fait appel au clavardage dans le but de vérifier si cet outil pouvait contribuer à avoir un impact positif sur le raisonnement d'élèves de la fin du secondaire (N = 20). Afin de rédiger un essai historique en collaboration, les élèves ont fait appel au clavardage. Ils ont également été soumis à un pré-test et un post-test constitués d'énoncés réflexifs en histoire, afin de rendre possible la vérification de la contribution de l'écriture à leur raisonnement par l'entremise du clavardage. Les résultats montrent que les jeunes ont mieux réussi au post-test et se sont améliorés en écriture.
11Ainsi, il semble que la collaboration et les interactions entre pairs réalisées par l'entremise du clavardage permettent aux élèves de mieux réussir dans divers contextes. Néanmoins, plusieurs recherches sur l'utilisation du clavardage en milieu pédagogique avaient d'autres buts que le développement des compétences en français langue première. Par exemple, certaines ont fait appel au clavardage lors de l'apprentissage d'une langue seconde, autant pour favoriser le développement de la langue écrite que la langue orale (Blake, 2009 ; Foucher, Rodrigues & Hamon, 2010 ; Noet-Morand, 2003).
12Compte tenu de l'importance accordée aux interactions et à la collaboration entre pairs dans cette étude, une position épistémologique socioconstructiviste est adoptée. La théorie socioconstructiviste de Vygotski (1997) consiste à dire que la dimension sociale a une incidence sur le développement de la pensée et de l'interprétation du monde des apprenants. Les élèves interagissent ensemble et avec leur environnement afin de développer leurs connaissances, tout en se référant à leurs savoirs antérieurs et en vivant des conflits cognitifs (Charron & Raby, 2007). D'ailleurs, dans un contexte socioconstructiviste, il est fréquent que les élèves travaillent en collaboration. Il est question d'écriture en collaboration lorsque deux élèves ou plus travaillent ensemble afin de planifier, rédiger et/ou réviser un texte (Graham & Perin, 2007 ; Niesyn, 2011). Il est à noter que la collaboration peut prendre place lors de la rédaction d'un texte au complet ou lors de certaines étapes du processus d'écriture seulement, telles que la planification et la révision (Wallace, 1994). Baudrit (2007) affirme que le travail en collaboration facilite le processus d'écriture des scripteurs, tout comme il leur permet de trouver de nouvelles idées et de bénéficier des conseils des pairs. Saunders (1989) a élaboré plusieurs catégories associées à l'écriture collaborative : le "co-writing" (toutes les étapes en collaboration), le "co-publishing" (rédaction individuelle intégrée à un document collectif), le "co-responding" (rédaction individuelle puis révision en équipe) et le "writing-helping" (écriture individuelle, avec aide des pairs si besoin est).
13Dans la présente étude, l'écriture en collaboration est abordée comme suit : la planification collaborative, la rédaction individuelle, la révision collaborative et la révision finale individuelle. Cette façon d'envisager l'écriture collaborative diffère d'ailleurs des catégories d'écriture de cette nature mises de l'avant par Saunders (1989) et constitue un apport original de cette étude.
14Dans le domaine de la recherche en écriture, le modèle de l'expertise rédactionnelle de Hayes et Flower (1980) est considéré comme le modèle dominant. Celui-ci décrit le processus d'écriture et, plus particulièrement, ses différentes composantes : la planification, la rédaction et la révision, tout en prenant en compte l'environnement de la tâche (les composantes internes et externes qui ont une influence sur la tâche) et la mémoire à long terme (où sont stockés les savoirs de l'élève). Le processus de planification consiste à récupérer, sélectionner et organiser dans un plan les informations qui sont présentes dans l'environnement de la tâche et dans la mémoire à long terme du scripteur (Hayes & Flower, 1980). D'après Allal et al. (2001), la phase de planification, lorsqu'elle se déroule en collaboration, nécessite que deux élèves ou plus collaborent ensemble afin de préparer le plan du texte, auquel le scripteur peut se référer lorsqu'il l'écrira. À la suite de la phase de planification, le scripteur s'engage dans la rédaction de son texte où il rédige sa production écrite à l'aide de son plan ; il met donc ses idées sur papier. L'élève a pour tâche de reproduire, avec la langue écrite et en phrases complètes, les informations qu'il possède en mémoire et dans son plan. Il est également possible de faire collaborer les élèves lors de cette phase. Finalement, le scripteur procède à la révision de sa production écrite (Hayes & Flower, 1980), qui lui permet d'affiner et d'améliorer la qualité de son texte, donc de le finaliser. Lors de cette phase, il fait notamment des relectures de sa rédaction. Il peut alors repérer ses erreurs et les faiblesses de son texte et les corriger (Hayes & Flower, 1980). Lorsque la révision se déroule en collaboration, Crinon et al. (2008 : 459) la définissent comme
une situation de retour sur le texte écrit dans laquelle le scripteur, contrairement aux situations de révision monogérée, bénéficie d'échanges verbaux sur son texte et dans laquelle ces échanges ont lieu avec des pairs.
15Ainsi, la précédente recension des écrits a mis en évidence que l'utilisation du clavardage en classe semble bien avoir du potentiel, malgré le fait que peu de recherches se sont attardées à cet outil. Il paraît aussi approprié de faire collaborer les élèves en écriture lors des phases de planification et de révision, étant donné les bienfaits de l'écriture collaborative rapportés ci-dessus. Ainsi, les objectifs de cette recherche sont : 1) d'analyser et de comparer une production écrite réalisée individuellement à l'ordinateur, et une production écrite rédigée par l'entremise du clavardage par des élèves dans des classes d'adaptation scolaire du premier cycle du secondaire, 2) d'analyser les interactions lors des séances de clavardage et 3) de mettre en lien les interactions et les productions écrites.
16Cette recherche est qualitative puisqu'elle analyse des données descriptives, issues des conversations de clavardage réalisées par les élèves. Dans le cadre de cette recherche, la nature des connaissances produites permet de comprendre et de documenter (Marshall & Rossman, 1995) le phénomène du clavardage pédagogique et des interactions qu'il permet, de même que son apport sur la production de textes. En ce sens, la recherche qualitative vise à comprendre et à expliquer le sens des phénomènes sociaux dans leur contexte naturel (Anadon, 2006 ; Anadon & Gauthier, 2009 ; Fortin, 2010 ; Merriam, 1998 ; Paillé & Muchielli, 2003). Dans cette optique, des extraits d'interactions, en lien avec des extraits de textes, sont présentés afin de mieux comprendre la contribution à l'écriture des interactions réalisées par l'entremise du clavardage.
17Les participants sont des élèves québécois du premier cycle du secondaire faisant partie de classes d'adaptation scolaire de deux écoles qui se trouvent dans la même ville. Plus précisément, ces derniers sont en première (12-13 ans ; N = 24) et en deuxième secondaire (13-14 ans ; N = 16). Ces élèves éprouvent des difficultés d'apprentissage et sont dans des classes de cheminement particulier temporaire. Les élèves intégrés dans ces classes sont habituellement en retard d'un ou deux ans dans les matières de base, principalement en français. Entre autres, ils éprouvent des difficultés en orthographe grammaticale et en orthographe lexicale. Il leur est aussi ardu de construire des phrases adéquates, de trouver et d'organiser leurs idées. Pour les élèves de ces classes, une réintégration en classe régulière est souhaitée, bien qu'elle ne soit pas possible pour tous (Rousseau et al., 2007). Ces jeunes réalisent les mêmes évaluations et épreuves de fin d'année que les élèves en classes régulières (Trépanier, 2003). Comparativement aux jeunes faisant partie de classes régulières, les élèves en cheminement particulier temporaire sont moins nombreux par classe, ce qui leur permet de recevoir une plus grande attention individuelle, et ils ont généralement plus de temps pour réaliser les tâches scolaires (Goupil, 2007).
18Des rôles ont été attribués aux élèves selon leurs écoles. Les élèves de la première école sont les "élèves scripteurs". Ce sont eux qui ont rédigé les textes évalués dans le cadre de cette recherche. Ils ont été jumelés avec des élèves du même niveau scolaire, en cheminement temporaire également, d'une autre école. Ces derniers, pour les besoins de cette étude, constituent les "élèves soutien". Plus précisément, les élèves scripteurs de première secondaire (N = 12) ont été jumelés avec les élèves soutien (N = 12) de première secondaire d'une autre école. Il en a été de même pour les élèves de deuxième secondaire (élèves scripteurs : N = 8 ; élèves soutien : N = 8).
19À partir d'un classement fait par les enseignantes, qui devaient ordonner leurs élèves du plus fort au plus faible en écriture d'après leur niveau en orthographe, en grammaire et en construction de phrases, il a été possible de former des dyades hétérogènes. Ensuite, la procédure de pairage de Fuchs et al. (1997) (décrite en annexe) a été utilisée. D'ailleurs, plusieurs chercheurs (Johnson & Johnson, 1989 ; Lefebvre & Deaudelin, 2001 ; Slavin, 1995) mettent en évidence que le travail en collaboration serait plus profitable lorsque les participants possèdent un niveau d'habileté différent.
20Pour que les élèves clavardent entre eux, le logiciel Etherpad-Récit (2014) a été choisi. Ce logiciel est un outil texte 2.0 permettant l'écriture en temps réel. Plusieurs personnes (maximum de 16 personnes) peuvent rédiger un texte en collaboration avec Etherpad tout en clavardant. Sur la note Etherpad, la partie texte occupe environ les ¾ de l'écran et le ¼ restant est occupé par l'espace de clavardage. Toutes les personnes connectées à la note peuvent apporter des modifications au document texte. Par ailleurs, il est possible d'utiliser uniquement la fonction clavardage de l'outil, pour autant que deux personnes ou plus soient connectées sur la même note Etherpad. Divers pré-requis ont guidé la sélection du logiciel. Il était important que celui-ci ne nécessite pas de téléchargement, qu'il soit disponible sur le web et qu'il soit simple d'utilisation (étant donné la clientèle constituée d'élèves en difficulté d'apprentissage). De plus, il fallait que toutes les interactions et les traces d'écriture de la zone de texte demeurent enregistrées. Pour accéder au logiciel, l'enseignant doit ouvrir une page Internet et inscrire l'adresse du site Etherpad-Récit (2014). Ensuite, deux possibilités s'offrent à l'enseignant. Il peut, par exemple, créer une nouvelle note. À ce moment, n'importe quelle personne qui copie l'adresse web de la note pourra y accéder et débuter à écrire et à clavarder. Dans un cadre scolaire, dans lequel la confidentialité est de mise, cette solution n'est pas idéale. La seconde option est de demander la création d'un compte PRO. La création d'un tel compte permet à l'enseignant d'assurer un contrôle des activités. Il peut créer des notes pour chaque équipe d'élèves et même y attribuer un mot de passe afin de s'assurer que seuls les élèves concernés se rendent sur la note. C'est de cette façon que nous avons procédé dans le cadre de la présente recherche. La chercheuse a d'abord créé de nouvelles notes pour chaque dyade. Ensuite, les adresses web et les mots de passe associés à chaque dyade leur ont été remis. Ils ont donc pu accéder à une page distincte leur permettant de clavarder à deux. Avec un compte PRO, l'enseignant peut retourner dans les notes des élèves et leurs écrits ainsi que leurs échanges réalisés par l'entremise du clavardage demeurent enregistrés et disponibles. Voici une capture d'écran du logiciel, qui permet de le visualiser dans son ensemble.
Figure 1 – Capture d'écran du logiciel Etherpad-Récit.
21Les élèves scripteurs ont rédigé deux textes, c'est-à-dire un texte individuel à l'ordinateur (texte 1) et un texte rédigé en collaboration avec le clavardage lors des phases de planification et de révision (texte 2). Quant aux élèves soutien, ils n'ont écrit aucun texte, mais ils ont soutenu leurs pairs à l'aide du clavardage pour le texte 2. Le tableau 1, ci-dessous, illustre globalement les tâches réalisées par les élèves scripteurs et les élèves soutien pour le texte 2. Celles-ci sont décrites au point 4.4.1.
Tableau 1 – Activités réalisées pour le texte 2 en collaboration avec le clavardage.
Texte 2
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élèves scripteurs
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élèves soutien
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Lectures préparatoires
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x
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x
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Planification par clavardage
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x
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x
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Rédaction individuelle à l'ordinateur
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x
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Révision par clavardage
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x
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x
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Correction et annotation
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x
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Correction finale individuelle
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x
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22En premier lieu, les élèves scripteurs des deux niveaux ont rédigé un texte justificatif individuellement à l'ordinateur. Avant les tâches d'écriture et après avoir été informés du sujet d'écriture (l'utilisation des ordinateurs portables à l'école) et des conditions de réalisation, ils ont fait quelques lectures, celles-ci provenant d'articles publiés sur Internet. Il était question, dans ces textes, de la motivation apportée par l'utilisation d'ordinateurs portables en classe et d'un projet mené dans une école québécoise, dans le cadre duquel les élèves ont accès en tout temps à des ordinateurs portables et font appel à différents outils technologiques (Youtube, portail web…) afin d'apprendre. Durant ces lectures, les élèves pouvaient prendre en note les éléments qui leur semblaient pertinents pour la rédaction de leurs propres textes. Ils avaient accès à ces notes lors de la rédaction. La tâche leur a été expliquée oralement et un document portant sur ce texte où toutes les consignes leur étaient explicitées leur a aussi été remis. Ils pouvaient le consulter en tout temps selon leurs besoins. Dans le cadre de cette rédaction, les scripteurs devaient donner leur avis par rapport à l'idée que chaque élève devrait avoir accès à un ordinateur portable en classe en tout temps et expliquer pourquoi ils étaient pour ou contre. Il a été demandé aux élèves de première secondaire d'écrire 150 mots et à ceux de deuxième secondaire de produire 200 mots. Les élèves ont eu deux périodes de 75 minutes pour écrire leurs textes. Relativement aux consignes d'écriture, il leur était demandé d'inclure aux textes un titre, une introduction (afin d'amener le sujet), deux paragraphes de développement (avec un argument par paragraphe) et une conclusion.
23Les élèves scripteurs ont ensuite rédigé un second texte justificatif portant sur l'utilisation des téléphones cellulaires en classe, en étant soutenus par des pairs d'une autre classe, par l'entremise du clavardage, lors des phases de planification et de révision. Les consignes d'écriture étaient similaires à celles du texte individuel. Les élèves des quatre classes ont fait les lectures décrites précédemment, afin qu'ils soient bien préparés à collaborer au texte. Ces textes abordaient notamment les raisons pour lesquelles il est pertinent de faire appel aux téléphones cellulaires en classe ainsi que l'opinion des élèves, enseignants et directeurs concernant le recours à ces appareils en classe. Les activités, pour la rédaction de ce texte, se sont déroulées sur quatre périodes de 75 minutes pour les élèves scripteurs.
24Phase de planification
Les élèves scripteurs ont d'abord, durant une première période, planifié leurs textes avec l'aide des élèves soutien, par l'entremise du clavardage. Pour ce texte également, les élèves ont eu accès à un document explicatif leur présentant les différentes consignes. Sur ce dernier, des pistes sur la planification par l'entremise du clavardage ont été ajoutées. Il a notamment été mentionné aux élèves qu'ils pouvaient discuter du sujet, de l'organisation du texte, de ce qui sera mentionné dans chaque partie du texte, donner leur opinion et suggérer des idées et des arguments à intégrer au texte. Des suggestions de commentaires de planification avec le clavardage leur ont également été proposées, telles que "le premier texte lu m'a donné beaucoup d'idées. Par exemple, je suis d'accord avec… lorsqu'il affirme que… parce que…" et "tu pourrais écrire dans ton texte : en classe certaines activités peuvent être réalisées avec le téléphone cellulaire".
25Phase de rédaction
Lors des deux périodes de français suivantes (120 minutes), les élèves scripteurs ont rédigé leurs productions écrites individuellement à l'ordinateur, en classe, avec des ordinateurs portables.
26Phase de correction et d'annotation
Des copies des textes ont été imprimées afin que les élèves soutien puissent corriger et annoter le texte écrit par leurs équipiers. À cette fin, une période de 75 minutes leur a été allouée.
27Phase de révision et correction finale
Les élèves de chaque classe se sont ensuite retrouvés sur le logiciel de clavardage dans le but de réviser les textes et ce pour une dernière période. Il leur était demandé d'aborder autant ce qui touche le fond du texte, ce qui fait référence à son contenu, à son organisation, à la compréhension qu'ont les lecteurs du texte, que la forme du texte, qui concerne les aspects de surface tels que l'orthographe, la grammaire et la structure des phrases. Pour terminer, les élèves scripteurs ont eu du temps supplémentaire lors de la même période afin de finaliser la correction de leurs textes. Ils étaient libres de prendre en compte les suggestions de leurs pairs, s'ils étaient en accord avec celles-ci.
28Au niveau de la révision, dans le document explicatif remis aux élèves, il leur a été indiqué qu'ils pouvaient, par exemple, discuter des erreurs repérées dans le texte, telles que les erreurs observées de grammaire, d'orthographe lexicale, de ponctuation, de structure des phrases et concernant le choix des mots. Il leur a aussi été mentionné qu'ils pouvaient donner leur avis sur des éléments de fond du texte (son contenu, l'organisation des idées, si le tout est facile à comprendre). Pour ce qui est des suggestions de commentaires, voici quelques exemples donnés aux jeunes : "ton texte est excellent parce que tu expliques très bien ton opinion. C'est très intéressant, bravo !" et "à la ligne 2, il manque un s au mot téléphone".
29Dans cette partie, il est question de la procédure d'analyse de données pour les textes ainsi que pour l'analyse des interactions.
30Rappelons que le premier objectif était de comparer les deux productions écrites : celle écrite individuellement à l'ordinateur et celle rédigée en collaboration avec le clavardage. Dans le but de corriger les textes, les critères d'évaluation de l'écriture du premier cycle du secondaire du Ministère de l'éducation, du loisir et du sport du Québec (MELS, 2012) ont été pris en considération, ainsi que la pondération attribuée à chaque critère. Il s'agit de l'adaptation à la situation d'écriture (25%), la cohérence du texte (20%), le vocabulaire (10%), la ponctuation (12.5%), la construction des phrases (12.5%) et le respect des normes relatives à l'orthographe lexicale (10%) et grammaticale (10%). Certaines adaptations à ces critères ont été effectuées selon les besoins de l'étude (Tableau 2). Par exemple, pour les critères de ponctuation, de construction des phrases, d'orthographe lexicale et d'orthographe grammaticale, nous avons utilisé une procédure par proportion (Olinghouse & Leaird, 2009 ; Marin, Lavoie & Sirois, 2015), qui consiste à calculer le nombre de signes, de phrases, ou de mots correctement employés sur le nombre total. Dans le but de comparer les moyennes aux deux productions écrites relativement à chacun des critères d'évaluation, une analyse des moyennes a été réalisée. Compte tenu de la petite taille de l'échantillon et du type de recherche, nous n'avons pas réalisé d'analyses statistiques. Ainsi, les moyennes et les écarts-types ont été ressortis globalement et pour chaque critère. Un accord inter-juge a également été réalisé pour assurer la rigueur du processus de correction des textes. Celui-ci a porté sur 10% des textes rédigés individuellement à l'ordinateur et sur 10% des textes écrits en collaboration avec le clavardage. Le pourcentage d'accord obtenu est de 95.75%. Ci-dessous, le tableau 2 précise la façon dont les textes ont été évalués, et ce, en fonction de chaque critère d'évaluation identifié.
Tableau 2 – Critères d'évaluation de l'écriture.
- 2 Critères adaptés de la grille d'évaluation de l'écriture du premier cycle du secondaire du MELS (20 (...)
Critères d'évaluation2
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Description
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1. Adaptation à la situation d'écriture
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Présence de tous les éléments demandés (titre, introduction, deux paragraphes de développement avec un argument chacun, conclusion) ; respect du sujet ; présence d'éléments de description et de justification judicieux.
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2. Cohérence
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Texte organisé de façon appropriée, qui assure la continuité par le recours à des substituts variés et dont les propos progressent par la présence de liens.
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3. Vocabulaire
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Emploi de mots précis, appropriés et parfois recherchés.
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4. Ponctuation
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Calcul du nombre de signes de ponctuation bien employés sur le nombre total de signes de ponctuation.
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5. Construction des phrases
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Calcul du nombre de phrases bien construites sur le nombre total de phrases.
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6. Orthographe lexicale
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Calcul du nombre de mots correctement orthographiés sur le nombre de mots total.
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7. Orthographe grammaticale
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Calcul du nombre de mots bien accordés sur le nombre total de mots nécessitant un accord.
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31Afin de bâtir la grille d'analyse des interactions et d'analyser ces dernières, nous nous sommes inspirées de plusieurs chercheurs (Lefebvre & Deaudelin, 2001 ; Peraya & Dumont, 2003 ; Lehraus & Buchs, 2008) ayant élaboré des cadres de référence qui formalisent les interactions. Ces derniers ont créé différentes catégories et sous-catégories permettant de classer les échanges. Ainsi, pour les besoins de la présente étude, une grille d'analyse des interactions constituée de deux dimensions, une dimension centrée sur la tâche et une dimension hors-tâche, a été créée. Dans ces dimensions se trouvent des catégories qui se divisent en sous-catégories.
32Deux catégories font partie de la dimension centrée sur la tâche : la catégorie cognitive et la catégorie affective/motivationnelle. Premièrement, la catégorie cognitive comprend les propos qui englobent tout ce qui concerne la tâche d'écriture. Précisons que ces caractéristiques diffèrent pour la planification et la révision. En ce qui concerne la planification, la catégorie cognitive a trait aux commentaires et aux suggestions des élèves par rapport au texte. Relativement à la révision, la catégorie cognitive est divisée en trois : les propos sur la tâche, le texte et le processus de correction (ce qu'il faut faire, commentaires sur le texte en général…), les propos sur le fond du texte (contenu, clarté…) et les propos sur la forme du texte (orthographe, grammaire, ponctuation, structure des phrases…). La catégorie cognitive comprend aussi une sous-catégorie intégrée à la phase de révision, centrée sur les modifications que les élèves ont apportées à leurs textes à la suite des phases de planification et de révision (à savoir si les suggestions proposées ont été prises en compte par les élèves scripteurs ou non). Cette sous-catégorie permet de répondre au troisième objectif, qui est de mettre en lien les interactions et les productions écrites. Deuxièmement, la catégorie affective/motivationnelle prend en compte les encouragements, les initiatives, les remerciements et les commentaires associés à l'enthousiasme des participants par rapport à la tâche. Enfin, une seule catégorie est intégrée à la dimension hors-tâche. Il s'agit de la catégorie sociale/émotive, qui comprend les salutations et les propos personnels, qui n'ont aucun lien avec la tâche d'écriture.
33Précisons qu'une interaction correspond à l'envoi d'un message par clavardage. Dans le but d'analyser des interactions, le nombre moyen d'interactions par élève scripteur et par élève soutien a été calculé pour les phases de planification et de révision (Jarlégan et al., 2010 ; Lavoie, Lévesque & Marin, 2011). De plus, à la suite du classement des interactions, un accord inter-juge a aussi été réalisé afin de s'assurer de sa justesse. Cet accord a porté sur les interactions de planification de deux dyades (une dyade de chaque niveau) et sur les interactions de révision de deux autres dyades (une de chaque niveau également), ce qui représente 20% de l'échantillon. L'accord est de 93.5%. Finalement, dans l'intention de mettre en lien les interactions et les productions écrites, le nombre de suggestions amenées par chaque élève soutien a été calculé, ainsi que le nombre, parmi celles-ci, de suggestions qui ont été transférées par les élèves scripteurs dans leurs productions écrites (Blain & Lafontaine, 2010).
34Le premier objectif était d'analyser les deux productions écrites, soit celle rédigée individuellement à l'ordinateur et celle écrite en collaboration avec le clavardage. Cette analyse a mis en évidence que les élèves de première secondaire ont légèrement mieux performé au texte rédigé en collaboration avec le clavardage (+ 3.21%) (Tableau 3). Sur le plan de l'adaptation à la situation d'écriture, les jeunes ont mieux réussi en contexte de clavardage (+ 9.08%), c'est-à-dire qu'ils ont davantage respecté les consignes d'écriture (titre, deux arguments, conclusion…). Il en est de même pour l'orthographe grammaticale (+ 3.75%), où la proportion d'erreurs d'orthographe grammaticale était moins élevée en situation de clavardage. Il semble donc que, grâce au clavardage, ces jeunes performent mieux à ces critères. Aux autres critères, les sujets ont aussi bien performé dans un contexte que dans un autre, ce qui explique qu'ils ne figurent pas dans le tableau 3 ci-dessous.
Tableau 3 – Moyennes par critère pour les textes produits en première secondaire (N = 12).
- 3 "E.T." veut dire "écart-type".
Critères d'évaluation
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Texte individuel
|
Texte avec clavardage
|
Résultats globaux
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73.67%
(E. T.3 = 15.08)
|
76.88%
(E. T. = 14.91)
|
Adaptation à la situation d'écriture
|
75.67%
(E. T. = 25.22)
|
84.75%
(E. T. = 17.80)
|
Orthographe grammaticale
|
74.42%
(E.T. = 14.09)
|
78.17%
(E. T. = 16.31)
|
35Afin d'illustrer les différences sur le plan de la performance aux deux productions écrites, voici deux extraits de textes rédigés par le même élève. On observe que les erreurs d'orthographe grammaticale, en caractère gras, sont inférieures au texte rédigé en collaboration avec le clavardage. En effet, dans les extraits suivants, pour le texte individuel à l'ordinateur, quatre erreurs sur 37 mots ont été comptées, alors qu'on en compte une seule pour 37 mots également pour le texte écrit en collaboration avec le clavardage.
36Texte individuel à l'ordinateur.
Ceci permettait d'avoir une meilleure forme d'enseignement et les devoirs était bien faites. Cependant, s'y les ordinateurs portables était utiliser dans chaque classe de la région du Bas-Saint-Laurent ceci serait très amusant.
37Texte en collaboration avec le clavardage.
Pour ma conclusion, le téléphone cellulaire peut être utile dans certains endroits et sous la surveillance de quelqu'un pour pas que le jeune fréquente des sites non-conforme. Voici mon texte sur l'utilisation des telephones cellulaires.
38La situation contraire s'est produite chez les élèves de deuxième secondaire. Le tableau 4 présente leurs moyennes aux critères où des différences ont été observées. En effet, ceux-ci ont moins bien réussi au texte lors duquel ils ont été soutenus par leurs pairs par l'entremise du clavardage (– 6.07%) comparativement au texte rédigé individuellement à l'ordinateur. En collaboration, les élèves semblent avoir éprouvé davantage de difficulté à certains critères, malgré le soutien de leurs pairs. C'est notamment le cas pour l'adaptation à la situation d'écriture (– 15.13%), où ils ont moins bien suivi les consignes d'écriture en situation de clavardage et la cohérence (– 8.05%), où il était plus difficile de saisir les liens entre les phrases et les paragraphes. Sur le plan de l'orthographe grammaticale, ces élèves ont également moins bien performé (– 17.13%) et ont fait davantage d'erreurs de cette nature lors du texte rédigé en collaboration avec le clavardage. En revanche, l'apport du clavardage chez ces élèves se situe au niveau de la construction des phrases étant donné que, grâce au clavardage, les jeunes ont écrit des phrases mieux construites (+ 10.13%).
Tableau 4 – Moyennes par critère pour les textes produits en deuxième secondaire (N = 8).
Critères d'évaluation
|
Texte individuel
|
Texte avec clavardage
|
Résultats globaux
|
76.61%
(E. T. = 15.67)
|
70.54%
(E. T. = 14.78)
|
Adaptation à la situation d'écriture
|
90%
(E.T. = 15.45)
|
74.87%
(E. T. = 29.52)
|
Cohérence
|
65%
(E. T. = 18.57)
|
56.5%
(E. T. = 33.59)
|
Construction des phrases
|
53%
(E. T. = 27.90)
|
63.13%
(E. T. = 29.31)
|
Orthographe grammaticale
|
76.88%
(E. T. = 8.74)
|
59.75%
(E. T. = 25.45)
|
39Les extraits de textes suivants, rédigés par le même élève, mettent en évidence l'écart de performance entre le texte individuel et le texte avec clavardage pour le critère de construction de phrases, où les élèves ont mieux performé à la production écrite rédigée en collaboration avec le clavardage. Par exemple, la phrase de l'extrait concernant le texte individuel à l'ordinateur est trop longue. Aussi, l'élève aurait dû mettre un point au lieu d'une virgule après le mot "maison". À la lecture de l'extrait du texte en collaboration avec le clavardage, on remarque que les phrases sont plus fluides et mieux structurées.
40Texte individuel à l'ordinateur.
Ensuite se serait parfait pour seux quils ont pas de ordis portable ou autre chose électronique a la maison, cet metode pourrais le faire decouvrire une autre facons de travailler sur leurs travaux d'école ainsi ils ne se sentiraient pas aparts des autres.
41Texte en collaboration avec le clavardage.
Premièrement, je dirais que oui il devrait pouvoir les avoir en classe, car ça pourais être utiles dans certaines chose ou matieres. Ensuite,on sait aussi que aujoud'hui ils sont très important pour les adolecents.
42Le second objectif était d'analyser les interactions lors des séances de clavardage. Les prochains paragraphes détaillent ces dernières.
43En guise de rappel, la catégorie cognitive fait référence aux interactions touchant le texte et la tâche. Pour la planification, cette catégorie est divisée en deux : les suggestions d'idées et d'arguments à intégrer au texte (incluant les propos concernant la tâche) et l'organisation de celui-ci (ce qui se trouve dans chaque partie, comment le texte sera formulé). Les élèves de première secondaire ont réalisé en moyenne près de 50 interactions cognitives (Tableau 5). Concernant la première sous-catégorie (suggestions d'idées, d'arguments et propos sur la tâche), ceux-ci ont réalisé en moyenne 40 interactions. Les propos et les questions sur le sujet d'écriture représentent plus de 50% des interactions intégrées à cette sous-catégorie, avec environ 21 interactions. En second lieu viennent les propos sur la tâche (sur l'activité à réaliser), où approximativement 12 interactions ont été relevées. C'est environ huit interactions par élève qui sont associées à l'organisation du texte. On peut donc remarquer que peu d'interactions étaient centrées sur cet aspect. Quant aux échanges liés à la catégorie affective/motivationnelle, ils sont peu fréquents (autour de cinq interactions). À quelques reprises, les conversations des élèves se sont dirigées vers d'autres sujets que la tâche d'écriture (catégorie hors-tâche). À ce moment, les élèves se sont salués ou ont discuté de sujets personnels (amis, parents, école, sports…). Chez ces jeunes, à peu près 25 interactions sont liées à la catégorie hors-tâche, les propos personnels étant les plus nombreux. Le tableau 5 propose une synthèse des interactions de planification des élèves scripteurs et des élèves soutien de première secondaire.
Tableau 5 – Nombre moyen d'interactions de planification des élèves de première secondaire (N = 24).
Catégories
|
Cognitive
|
Affective/motivationnelle
|
Hors-tâche
|
Total
|
Nombre d'interactions
|
48.58
|
5.17
|
24.83
|
78.53
|
44Relativement aux propos faisant partie de la catégorie cognitive pour les élèves de deuxième secondaire, ceux-ci ont réalisé en moyenne 51 interactions cognitives (Tableau 6). Parmi celles-ci, 43 interactions relèvent de la sous-catégorie "idées, arguments et propos sur la tâche". Ce sont les propos sur le sujet, qui constituent surtout des idées et des arguments, qui sont les plus nombreux, avec un peu plus de 20 interactions, suivis par les propos sur la tâche (environ 14 interactions). Toujours pour la catégorie cognitive, on constate que les propos centrés sur l'organisation du texte sont moins considérables (à peu près huit interactions). Ces élèves ont eu peu de propos associés à la catégorie affective/motivationnelle (cinq messages). Concernant la catégorie hors-tâche, les élèves ont eu autour de 35 interactions de cette nature.
Tableau 6 – Nombre moyen d'interactions de planification des élèves de deuxième secondaire (N = 16).
Catégories
|
Cognitive
|
Affective/motivationnelle
|
Hors-tâche
|
Total
|
Nombre d'interactions
|
51
|
5
|
35
|
91
|
45Afin d'illustrer les propos des élèves, voici quelques messages correspondant à la catégorie cognitive lors de la planification du texte. Dans les interactions suivantes, les élèves discutent du texte et, plus spécialement, proposent des idées concernant leur opinion sur l'utilisation des téléphones cellulaires en classe. Il s'agit donc de propos liés au sujet. On constate que l'élève soutien a fait une proposition à l'élève scripteur et que ce dernier lui a donné son avis sur sa proposition.
9:41 soutien : ok mais moi je trouverais sa agréable d'utiliser les cell en classe.mais sa serai inutil dutuliser les cell en classe car tous le monde niaiserais xd
9:43 soutien : tu comprend
9:43 scripteur : moi aussi jen pense kla meme affaire je trouvera sa inutile parce que les eleve se consenterait pas sur leur travaille il ferait juste rire et jouie sur leur cell. Sa nuirait a son apprentisage
9:43 soutien : oui
46Pour la phase de révision, la catégorie cognitive se décline en trois sous-catégories : les propos sur le texte, la tâche et le processus de correction, les propos sur le fond du texte et les propos sur la forme du texte. En moyenne, les élèves de première secondaire ont réalisé 47 interactions cognitives (Tableau 7). Ils ont envoyé environ 24 messages sur le texte, la tâche et le processus de correction. Le plus grand nombre d'échanges concerne la tâche à réaliser (ce qu'il fallait faire lors de la période). Les élèves ont réalisé un peu plus de quatre interactions centrées sur le fond du texte. Ils ont donc peu abordé cet aspect de l'écriture. Les interactions reliées à la forme du texte sont, quant à elles, plus nombreuses (près de 19 propos). On remarque donc que les élèves s'attardent davantage à la forme du texte lorsqu'ils révisent en collaboration avec le clavardage. Leurs propos sont surtout centrés sur l'orthographe lexicale et grammaticale. La structure des phrases a également été abordée à quelques reprises.
Tableau 7 – Nombre moyen d'interactions pour la révision des élèves de première secondaire (N = 24).
Catégories
|
Cognitive
|
Affective/motivationnelle
|
Hors-tâche
|
Total
|
Nombre d'interactions
|
47
|
3
|
19
|
69
|
47Chez les élèves de deuxième secondaire, les interactions cognitives ayant eu lieu lors de la révision se chiffrent à 59 (Tableau 8). Ceux-ci ont envoyé approximativement 31 messages concernant la tâche, le texte et le processus de correction, les plus nombreux ayant rapport aux propos sur la tâche. Il apparaît que les élèves ont peu discuté du fond du texte. En moyenne, une interaction seulement par élève est associée à cette sous-catégorie. Comme leurs pairs de première secondaire, les élèves de deuxième secondaire semblent s'être concentrés sur la forme du texte lors de la révision. En moyenne, près de 27 interactions ont été réalisées par rapport à cet aspect, qui fait référence à la surface du texte. Les jeunes ont surtout fait des commentaires par rapport à l'orthographe lexicale et grammaticale. La structure des phrases a été abordée à certaines occasions également. Comme lors de la phase de planification, peu d'échanges (environ trois) ont rapport à la catégorie affective/motivationnelle. Les interactions hors-tâche, qui constituent surtout des propos personnels, s'élèvent, quant à elles, à environ 15.
Tableau 8 – Nombre moyen d'interactions pour la révision des élèves de deuxième secondaire (N = 16).
Catégories
|
Cognitive
|
Affective/motivationnelle
|
Hors-tâche
|
Total
|
Nombre d'interactions
|
59
|
3
|
15
|
77
|
48Les propos suivants font partie de la catégorie affective/motivationnelle car l'élève soutien a complimenté l'élève scripteur sur son texte. L'élève scripteur a également fait part à son équipier de son appréciation du travail qu'ils ont fait ensemble. Ces échanges ont eu lieu lors de la phase de révision.
10:06 soutien : il est parfait ton texte
10:08 scripteur : on na fait du bon travaille :)
10:08 soutien : oui
49Afin de répondre au troisième objectif, qui est de mettre en lien les interactions et les productions écrites, il a été vérifié dans quelle mesure les suggestions conseillées par l'entremise du clavardage par les élèves soutien ont été prises en compte et transférées dans leurs productions écrites par les élèves scripteurs.
50Les suggestions apportées par les élèves soutien de première secondaire (N = 12) lors de la planification concernent uniquement les idées et les arguments à intégrer aux textes. L'analyse des interactions et des textes a montré que les élèves soutien ont fait en moyenne cinq recommandations d'idées et d'arguments, dont trois ont été prises en compte et ainsi transférées dans les textes par les élèves scripteurs, ce qui représente 63% de leurs suggestions.
51Les élèves soutien de deuxième secondaire (N = 8) ont, quant à eux, suggéré en moyenne 6.25 idées et arguments, dont 2.88 ont été intégrés aux textes, c'est-à-dire 46%. Comme leurs pairs de première secondaire, les élèves soutien de deuxième secondaire n'ont pas fait de suggestions associées à l'organisation du texte.
52Dans le but d'illustrer la teneur des échanges et l'importance accordée aux propositions des pairs, voici les interactions de planification d'une dyade, ainsi que la partie du texte dont il est question dans leur discussion. Les éléments pris en compte et transférés dans le texte sont en caractères italiques. Il est important de préciser ici que ces propos ont été transcrits tels qu'ils ont été écrits par les jeunes en contexte du clavardage, ce qui explique la présence d'erreurs.
scripteur : on peux les utiliser seulement pour des matière en particulier come on les utiliserais pas pour les arts ou l'éduc ou sinon on peux les utiliser seulement le matin et l'heure du midi
scripteur : comme*
soutien : oui pendant les pause
scripteur : oui
soutien : mais il pourait certainement leur place et ce serait tres interessant davoir droit au cellulair pendant des momment libre ou pour faire des recherchecomme sur google
scripteur : mais moi j'en suis pour parce que en classe sa peux ns aider aussi pour rechercher des information aulieu de prendre es ordinateur sa peux developper notre autonomie
53Voici maintenant un extrait du texte rédigé par l'élève scripteur, en lien avec cette discussion. On peut remarquer que celui-ci a intégré à son texte plusieurs éléments discutés puisque l'extrait de texte au complet est en italique.
cela pourrais nous aider à rechercher des informations sur Google au lieu d'aller sur des ordinateurs. Les cellulaires peuvent permettent de développer notre autonomie et on pourrais juste les utiliser pour des matières en particuliers ou sur l'heure du midi, le matin, ou pendant les pauses.
54En ce qui a trait à la phase de révision des élèves de première secondaire, cinq suggestions de correction ont été faites en moyenne et, parmi celles-ci, plus de la moitié, c'est-à-dire 2.98 (59.6%), ont amené des modifications dans les textes. Ces suggestions concernent uniquement la forme du texte, comme ces élèves n'ont pas proposé de corrections relatives au fond du texte. Les élèves soutien ont fait des suggestions plus nombreuses relativement à l'orthographe grammaticale (2.84). Parmi ces dernières, 1.47, soit 52%, ont été corrigées par les élèves scripteurs.
55Concernant les suggestions discutées et prises en compte chez les élèves de deuxième secondaire, on observe qu'elles sont plus nombreuses que chez leurs pairs de première secondaire et qu'ils ont davantage modifié leurs textes en fonction des suggestions énoncées. En fait, les élèves soutien de deuxième secondaire ont proposé 12.63 corrections par l'intermédiaire du clavardage, toutes associées à la forme du texte, et les élèves scripteurs en ont corrigé 11.13, ce qui représente 88.13%. Comme pour les élèves de première secondaire, ceux de deuxième secondaire n'ont pas abordé le fond du texte. L'orthographe est l'élément qui a été le plus souvent discuté. Effectivement, les élèves soutien ont fait 5.62 propositions pour l'orthographe grammaticale, dont 5.17 ont fait l'objet d'une modification dans les textes (91%), et 4.5 propositions en moyenne relatives à l'orthographe lexicale (quatre modifiées dans les textes ; 91%).
56Voici maintenant l'extrait du texte d'un élève scripteur avant la révision avec le clavardage.
Mais des parent aime savoir ce que leur enfant font donc il leur donne un téléphone pour les appelé ou pour l'appeler, certain se sentent main me en sécurité avec un téléphone.
Selon moi je dirais d'avoir le droits seulement dans des points stratégique mais pas partout.
57Ci-dessous, les interactions réalisées lors de la révision permettent de saisir la teneur des échanges et les suggestions amenées par l'élève soutien. Dans le texte de l'élève, les lignes étaient numérotées pour qu'il soit plus facile de se retrouver dans les textes, ce qui explique pourquoi dans la discussion ci-dessous, les élèves abordent les erreurs repérées en faisant référence aux numéros de ligne.
soutien : ligne 18
soutien : appelé j'ai un doute
scripteur : non il est bien
soutien : je sais pas si il va prendre un s
scripteur : a oui
soutien : ligne 20 droit
soutien : pas de s
scripteur : ok
soutien : statégique avec un s
scripteur : ok
58Enfin, l'extrait de texte suivant montre l'intégration que l'élève scripteur a fait des idées proposées.
Mais des parent aime savoir ce que leur enfant font donc il leur donne un téléphone pour les appelés, certain se sentent même me en sécurité avec un téléphone. Selon moi je dirais d'avoir le droits seulement dans des points stratégiques mais pas partout.
59Cette étude a analysé et comparé deux productions écrites : la première réalisée individuellement à l'ordinateur, et la seconde rédigée en collaboration avec le clavardage. Les résultats ont mis en évidence que les élèves de première secondaire ont mieux performé de façon globale au texte rédigé à l'aide du clavardage, et plus particulièrement à l'égard de l'adaptation à la situation d'écriture (respect des consignes d'écriture, etc.) et de l'orthographe grammaticale. Dans les deux contextes d'écriture, ils ont bien respecté les demandes de la tâche, bien qu'ils aient mieux réussi à ce critère au texte écrit à l'aide du clavardage, ce qui diffère des résultats obtenus par Monroe et Troia (2006) qui mentionnent plutôt que les élèves en difficulté ont tendance à peu respecter les consignes lors d'une tâche d'écriture. Les élèves de deuxième secondaire ont, au contraire, obtenu des résultats plus élevés individuellement à l'ordinateur. De plus, la cohérence des textes rédigés par les élèves de deuxième secondaire est moindre avec le clavardage (– 8.05%), ce qui peut être lié au fait que ces élèves, lors de leurs discussions de révision, n'ont pas réfléchi en collaboration à cet aspect du texte. Leurs propos sont surtout centrés sur la forme du texte, ce qui va dans le sens de ce qu'affirment Lefebvre et Deaudelin (2001) qui précisent qu'il est fréquent que les élèves, incluant ceux qui présentent des difficultés d'apprentissage, ne s'attardent pas au sens du texte et plus spécialement à sa cohérence lorsqu'ils révisent. On observe aussi que les élèves de deuxième secondaire ont moins bien réussi avec le clavardage pour ce qui est de l'orthographe grammaticale, malgré le fait qu'il s'agit de l'aspect du texte le plus discuté avec le clavardage, et qu'ils ont pris en compte la majorité des propositions de leurs pairs la concernant. Il est possible que ceux-ci se soient davantage interrogés lorsqu'ils étaient seuls avant de faire des modifications à leurs textes. En effet, en contexte de clavardage, ils devaient réfléchir à la fois à leurs textes et à la conversation avec leurs pairs qui s'effectuait, quant à elle, par écrit. Ils se sont probablement retrouvés au même moment en situation de surcharge cognitive (Bourdin, Cogis & Foulin, 2010 ; Dubois & Roberge, 2010 ; Paradis, 2014), étant donné qu'ils devaient réfléchir à plusieurs éléments simultanément, ce qui peut poser problème aux élèves en difficulté. Il était sans doute ardu pour ces derniers de vérifier la pertinence des propositions faites par leurs pairs tout en maintenant la conversation de clavardage, puisqu'il est possible que celle-ci ait constitué un élément de distraction, qui les a empêchés de se questionner sur les propositions de leurs pairs. Cela expliquerait pourquoi, malgré la prise en compte de ces propositions, ils aient eu moins de temps pour réfléchir aux corrections qu'ils effectuaient et aient moins bien réussi à ce critère.
60La correction des productions écrites a permis de constater que les élèves de première comme de deuxième secondaire se sont surtout concentrés sur la correction des erreurs de surface à la suite de la révision par l'intermédiaire du clavardage. Une tentative d'explication est que ces corrections sont plus rapides et nécessitent moins de réflexion que des corrections associées au fond du texte (cohérence, contenu…), qui demandent alors à l'élève de se repositionner face au contenu de son texte. En ce sens, plusieurs chercheurs (Allard, 2009 ; Chalk, Hagan-Burke & Burke, 2005 ; Monroe & Troia, 2006 ; Morphy & Graham, 2012 ; Saunders, 1989) déclarent que les jeunes qui présentent des difficultés peinent à utiliser des stratégies de révision, dans le sens où ils ont tendance à réaliser des révisions incomplètes, limitées et courtes, qui nécessitent seulement une lecture et une correction de base des erreurs de surface. À ce moment, il est probable que l'utilisation du clavardage en contexte d'écriture, avec des élèves de ces niveaux et en difficulté, ne soit favorable que pour des corrections de surface, telles que l'orthographe grammaticale et la construction des phrases, qui ne requièrent pas une réflexion en profondeur ni de changements importants aux textes en construction. De plus, ce résultat est cohérent avec le fait que les élèves ont peu discuté du fond du texte, ce qui leur aurait demandé de réfléchir davantage et de se questionner par rapport au contenu et à la clarté de leurs textes.
61Tel que mentionné précédemment, les participants éprouvent des difficultés d'apprentissage en écriture qui sont variables et qui peuvent avoir une influence sur leurs performances. On observe d'ailleurs une disparité entre les résultats des élèves d'un même niveau, ce qui est expliqué par le fait que leurs textes sont très différents et que certains performent relativement bien à un critère (exemple : orthographe), tandis que d'autres sont en grande difficulté. D'ailleurs, cette disparité est mise en évidence par les écarts-types présentés dans les tableaux 3 et 4, qui illustrent les performances en écriture des élèves des deux niveaux. Effectivement, on peut constater que les écarts-types sont élevés, ce qui est justement causé par la présence d'une grande variabilité entre les performances en écriture des jeunes. Cela est en concordance avec le fait qu'ils se situent dans des classes d'adaptation scolaire et présentent des difficultés d'apprentissage importantes, qui font en sorte que leurs caractéristiques individuelles sont variées et leurs moyennes, allant de très basses à très élevées.
62Les deuxième et troisième objectifs étaient d'analyser les interactions et de les mettre en lien avec les productions écrites. Rappelons ici que les propos des élèves ont été classés en trois catégories : cognitive (tâche d'écriture), affective/motivationnelle (encouragements…) et hors-tâche (propos personnels et salutations). Les interactions cognitives sont celles qui contribuent à améliorer les textes. Dans notre étude, la majorité des interactions des élèves font partie de cette catégorie. Ainsi, malgré leurs difficultés d'apprentissage, les sujets ont su rester concentrés sur leurs textes lors des deux étapes d'écriture réalisées par l'entremise du clavardage. Il s'agit d'un résultat très intéressant puisqu'il met en évidence que les jeunes en difficulté d'apprentissage, lorsqu'ils clavardent avec des pairs du même niveau scolaire, sont capables de centrer leur attention sur leurs textes autant lorsqu'ils planifient que lorsqu'ils révisent. En général, lorsque l'on s'attarde aux caractéristiques de ces élèves, on observe plutôt qu'il est laborieux pour eux de se concentrer pleinement sur une tâche, compte tenu que, pour certains, ils possèdent des problèmes d'attention (MELS, 2003). Concernant la littérature sur les interactions entre pairs en contexte d'écriture informatisée, il apparaît que peu de recherches ont analysé les interactions virtuelles d'élèves lors de la rédaction d'un texte. Il est toutefois possible de comparer les résultats avec ceux d'une recherche où des élèves du primaire ont planifié et révisé des textes à distance avec les Tic (Lefebvre & Deaudelin, 2001). Les chercheurs ont constaté que les interactions sociales/émotives (salutations, discussions hors-tâche…), qui ne concernent pas la tâche, sont les plus nombreuses, ce qui diffère des résultats de la recherche ici présentée.
63Enfin, concernant la mise en lien des interactions et des productions écrites, on remarque que les participants à la recherche ont pris en compte plus de la moitié des commentaires de leurs pairs lors de la planification et de la révision. On peut donc voir que les élèves ont accordé de l'importance à leurs propositions, ce qui montre la pertinence de la collaboration entre élèves avec le clavardage lors de la réalisation de situations d'écriture. En ce sens, plusieurs avantages de l'écriture collaborative ont aussi été mis en relief dans d'autres études, principalement en ce qui concerne la révision. Par exemple, les jeunes du primaire effectuent plus de transformations à leurs textes à la suite d'une révision en collaboration, en comparaison à une révision individuelle (Allal et al., 2005). Dans leur recherche, Blain et Lafontaine (2010) mentionnent que les suggestions apportées lors de séances de rétroaction verbale entre pairs (révision) permettent d'améliorer les textes entre le brouillon et le texte final. Les participants à leur recherche avaient, quant à eux, pris en compte environ 60% des propositions des pairs énoncées à l'oral lors de la révision.
64De plus, les résultats ont démontré que les jeunes de deuxième secondaire ont réalisé davantage d'interactions que leurs pairs de première secondaire lors des deux étapes du processus d'écriture. Il est complexe d'expliquer ce résultat, étant donné qu'il est possible que les caractéristiques personnelles des jeunes jouent un rôle à cet égard. Effectivement, les élèves de deuxième secondaire ont peut-être simplement eu plus de facilité à entrer en contact avec leurs pairs, ce qui les a conduits à faire plusieurs propositions d'écriture et de corrections, et à tout simplement interagir à propos du texte. Il apparaît normal que des élèves plus âgés, qui possèdent plus d'expérience, discutent davantage. Il est aussi possible qu'ils possèdent plus de connaissances en grammaire et qu'ils soient donc davantage en mesure d'échanger à ce propos, ce qui aurait contribué à ce qu'ils aient été moins réticents à faire part à leurs pairs des erreurs repérées.
65En somme, le clavardage semble bien avoir sa place en classe. En effet, les discussions de clavardage ont eu un impact sur les performances en écriture relativement à certains critères. Les élèves de première secondaire ont légèrement mieux réussi au texte écrit en collaboration avec le clavardage et cet outil les a aidés à mieux performer relativement à deux critères : l'adaptation à la situation d'écriture et l'orthographe grammaticale. À l'opposé, les élèves de deuxième secondaire ont moins bien réussi au texte écrit en collaboration avec le clavardage. D'ailleurs, les résultats ont mis en avant plusieurs différences, autant concernant l'écriture que les interactions, entre les élèves de première et de deuxième secondaire. Par exemple, les élèves de deuxième secondaire ont moins bien performé avec le clavardage sur le plan de la cohérence du texte. Les élèves de première secondaire, qui ont écrit des textes aussi cohérents lors des deux tâches d'écriture, ont, pour leur part, réalisé plus d'interactions associées au fond du texte que les élèves de deuxième secondaire, ce qui peut expliquer pourquoi leurs performances sont équivalentes aux deux textes à ce critère.
66Les élèves de première comme de deuxième secondaire ont su rester concentrés sur la tâche d'écriture, malgré leurs difficultés. En effet, leurs interactions font pour la plupart partie de la catégorie cognitive. Par exemple, lors de la planification, les propos concernent majoritairement les idées et les arguments à intégrer au texte, tandis que lors de la révision, ce sont les discussions à propos de l'orthographe lexicale et grammaticale qui dominent. De même, les élèves scripteurs ont pris en compte plus de la moitié des propositions amenées par leurs équipiers, ce qui démontre qu'ils y accordent du crédit. On constate, à cet égard, que les élèves de deuxième secondaire ont été davantage enclins à prendre en compte les suggestions de leurs pairs associées à la forme du texte que ceux de première secondaire. En effet, ils ont pris en considération la majorité d'entre elles. Toutefois, étant donné qu'ils ont bien pris en compte ces aspects, mais qu'ils ont moins bien performé en orthographe grammaticale, et ce malgré le fait que la plupart des suggestions concernent cet aspect de l'écriture, il y a lieu de s'interroger à savoir si les élèves ont pris le temps de vérifier la pertinence des corrections proposées ou non avant de modifier leurs textes selon les suggestions de leurs pairs.
67Camus et al. (2004) mentionnent que les interactions entre pairs en contexte de clavardage sont riches et sont à même de favoriser le partage des compétences et des savoirs. Ils soulignent aussi que les échanges concernant l'orthographe sont particulièrement formateurs ; rappelons en ce sens que les élèves ont principalement discuté de l'orthographe lors de la révision de leurs textes. Ainsi, même si le recours au clavardage en contexte d'écriture est une activité complexe et exigeante pour les élèves en difficulté, il est nécessaire de retenir que cet outil leur a permis de bénéficier des conseils de leurs pairs en situation d'écriture et de verbaliser leurs idées, ce qui constitue un avantage à considérer de cet outil de communication. Aussi, il est possible pour les enseignants de réaliser une grande variété d'activités pédagogiques par l'intermédiaire du clavardage et, étant donné que les jeunes sont nombreux à en faire usage à la maison, de les rapprocher des activités qu'ils connaissent bien. Il apparaît donc approprié d'intégrer le clavardage en classe, d'autant plus que cette intégration peut se faire rapidement et facilement, notamment à l'aide du logiciel Etherpad-Récit, et qu'il permet aux élèves en difficulté de demeurer concentrés sur leurs textes. Les jeunes ayant un intérêt pour le clavardage, pourquoi ne pas simplement profiter de cet intérêt pour les faire écrire en classe ?
68Il est bien certain que cette étude présente quelques limites qu'il est ici nécessaire de mentionner. D'abord, le nombre de sujets est peu élevé. Il n'a pas été possible de prévoir un plus grand nombre de participants étant donné les contraintes logistiques (prévoir la présence des élèves devant l'ordinateur en même temps, à la même heure, alors que les cours débutent à des heures différentes selon les écoles). Aussi, les élèves ont rédigé un seul texte avec le clavardage et un seul texte individuel. S'ils avaient rédigé plusieurs textes selon chaque modalité, les résultats auraient peut-être été différents. Pour terminer, des pistes de recherche méritent d'être soulevées. Entre autres, il serait judicieux de vérifier dans quelle mesure les propositions des élèves suggérées par l'entremise du clavardage lors d'une tâche d'écriture sont adéquates, puisque cela pourrait expliquer pourquoi les élèves performent mieux ou moins bien lorsqu'ils écrivent à l'aide du clavardage, ou en collaboration, en classe. Il serait aussi intéressant de réaliser une recherche imposant la rédaction de plusieurs textes avec le clavardage pédagogique sur une plus longue période afin de voir si le clavardage aurait alors une influence plus favorable sur les écrits des jeunes.